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Marcof-le-malouin

Marcof-le-malouin

Titel: Marcof-le-malouin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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paraît fortuite ; il parle du temps, de la récolte, des pardons prochains ; puis, par une transition ingénieuse, il en arrive à aborder la question… Il vante le prétendant ; il appelle l’attention sur la force dont il a fait preuve à la lutte ou à la Soule ; il parle de son talent pour conduire les bœufs ; il laisse échapper quelques mots touchant la dot. Enfin il cite son bon air lorsqu’il s’habille le dimanche, et sa mémoire imperturbable, qui a retenu les plus belles complaintes de la côte. La nouvelle Ève écoute le serpent tentateur, tout en rougissant et en roulant entre ses doigts le bord de son tablier.
    « Parlez à mon père et à ma mère, » dit-elle enfin.
    C’est la manière d’exprimer que le parti lui convient. Les parents avertis et consultés, si le jeune homme est agréé, au jour convenu, le tailleur, portant à la main une baguette blanche et chaussé d’un bas rouge et d’un bas violet, le leur amène accompagné de son plus proche parent. Cette démarche s’appelle « demande de la parole. » Là cessent les fonctions du tailleur. Il ne les reprend plus que pour le jour du mariage ; mais elles changent de nature, et rentrent alors dans les attributions du poète, ainsi que nous le verrons plus tard.
    C’était le tailleur de Fouesnan qui avait arrangé le mariage de Jahoua et d’Yvonne. Jahoua avait vu la jeune fille au pardon de la Saint-Michel, et en était devenu amoureux. Jahoua habitait à dix lieues de Fouesnan. Ne connaissant ni Yvonne ni son père, il avait, suivant la coutume, été trouver le tailleur, et l’avait prié de parler en son nom. Le tailleur très-fier d’être employé par un fermier comme Jahoua, n’avait pas demandé mieux que de se charger de l’affaire, et, sans retard, il s’était mis à l’œuvre, et il avait réussi.
    Donc, l’arrivée du tailleur devait être, à bon droit, saluée par les acclamations des assistants.
    – Ah ! c’est vous, tailleur ! s’écria Jahoua.
    – Oui, mon gars, c’est moi !
    – Approchez et prenez un gobelet, ajouta Yvon.
    – Asseyez-vous et contez-nous les nouvelles, fit un troisième.
    – Ah ! les nouvelles, mes gars, elles ne sont pas gaies aujourd’hui, répondit le tailleur.
    – Est-ce qu’il est arrivé un malheur à quelqu’un ? demanda Jahoua.
    – Oui.
    – À qui donc ?
    – À Rose Le Far, de Rosporden.
    – Contez-nous cela, tailleur, contez-nous cela ! s’écria l’assistance avec un ensemble parfait.
    – Dame ! c’est bien simple. La pauvre Rose a eu l’imprudence de ne pas écouter les vieillards : elle refusait de croire aux vérités que l’on raconte sur les âmes des morts. Si bien que dernièrement, comme elle revenait de la ville un peu tard, elle a traversé le cimetière à minuit.
    Ici un frémissement parcourut l’assemblée.
    – Après, après ! demandèrent plusieurs voix.
    – Eh bien, continua le tailleur que chacun écoutait avec un recueillement plein de terreur, lorsqu’elle fut arrivée au milieu des tombes, le sixième coup de minuit sonnait. Alors elle entendit autour d’elle un bruit étrange. Elle regarda. Elle vit toutes les tombes qui s’ouvraient lentement. Puis les morts en sortirent, secouèrent leur linceul et les étendirent proprement sur leur fosse ; ensuite, marchant deux par deux, ils se dirigèrent à pas comptés vers l’église qui s’illumina tout à coup, et ils entrèrent… Rose ne pouvait plus bouger de sa place. Elle entendit des voix lugubres entonner le De Profundis . Alors elle voulut fuir, mais il était trop tard, les morts revenaient vers le cimetière. Elle saisit un linceul et s’en enveloppa pour se cacher. Les morts défilaient devant elle. Rose reconnut sa mère et son père. Ils la virent, eux aussi, et ils l’appelèrent… Rose voulut fuir encore. Les mains des squelettes avaient pris les siennes et l’entraînaient. Le lendemain, un prêtre, qui traversait le cimetière, trouva le corps de la malheureuse Rose étendu sans vie auprès de la tombe de sa mère. Voilà, mes gars, ce que j’avais à vous raconter… »
    Le tailleur avait cessé de parler que le silence régnait encore.
    – Faut dire aussi, reprit-il, car il y a toujours des impies qui sont prêts à tout nier, faut dire que le médecin de Quimper, qui passait par Rosporden dans la journée, ayant entendu raconter l’histoire de Rose Le Far, voulut à toute force la voir. On le conduisit auprès du corps.

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