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Marcof-le-malouin

Marcof-le-malouin

Titel: Marcof-le-malouin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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murmura-t-il.
    Carfor était revenu à lui. Il se redressa, et il fit signe de la main à Keinec de s’agenouiller. Celui-ci obéit. Le berger prit une poignée de feuilles de laurier, les alluma à la torche, les éteignit ensuite dans le sang des victimes, et les secoua sur la tête du jeune homme.
    – Va ! dit-il à voix haute. Va, Keinec !… Tu seras riche, tu seras puissant, tu seras redouté ! Les biens de la terre t’appartiendront. Et, je te le dis, Yvonne sera ta femme !… Va donc, et tue Jahoua !
    – Je le tuerai ! répondit Keinec en se relevant.

XII – LE TAILLEUR DE FOUESNAN.
    Trois jours après le dernier de ceux pendant lesquels se sont passés les divers événements qui ont fait le sujet des précédents chapitres, les cloches de l’église du petit village de Fouesnan, lancées à toutes volées, appelaient les fidèles à l’office du dimanche, et les fidèles s’empressaient de répondre à ce pieux appel. Aussi depuis le matin, comme cela se pratique chaque dimanche, les sentiers des montagnes, les chemins creux bordés d’ajoncs et de houx, les routes serpentant au milieu des landes et des bruyères, étaient-ils couverts de braves paysans portant leurs costumes de fêtes, leurs grands chapeaux enrubannés, et s’appuyant sur leurs pen-bas. Au loin on distinguait les jeunes filles et les femmes. Les unes parées de leurs plus beaux corsages, de leurs jupes aux plus éclatantes couleurs, marchant deux à deux ou donnant le doigt à leurs « promis, » tandis que les parents, qui suivaient à courte distance, admiraient naïvement la brave tournure du gars, et la gracieuse démarche de la « fillette » Les autres, escortées par leur maris, par leurs frères, par leurs enfants, portant dans leurs bras le dernier né, et dans la poche de leur tablier le gros missel acheté à Quimper et donné par l’époux le jour du mariage. Puis au milieu de toute cette population jeune, alerte et remuante, s’avançaient gravement les vieillards et les matrones. Tous se dirigeaient vers l’église paroissiale de Fouesnan. À dix heures la place du village regorgeait de monde, et personne pourtant n’entrait dans l’église où l’on allait célébrer la grand’messe. On attendait le marquis de Loc-Ronan, qui jamais n’avait manqué d’assister à l’office.
    Enfin un mouvement se fit à l’extrémité de la foule, un passage se forma de lui-même, et le marquis, suivi de Jocelyn qui portait son livre, et de deux domestiques à ses livrées, fit son entrée sur la place. Toutes les têtes se découvrirent ; le marquis, poli lui-même comme on l’était autrefois, poli comme un véritable grand seigneur qui laisse l’insolence aux laquais et aux parvenus, le marquis, disons-nous, porta la main à son chapeau et salua les paysans ; puis il traversa lentement la foule, s’arrêtant pour adresser à l’un quelques mots affectueux, à l’autre quelque amicale gronderie. Aux femmes il parlait de leurs enfants malades ; aux jeunes filles il faisait compliment de leur bonne mine. Aux vieillards il leur serrait la main. Et c’était sur toutes ces braves et franches physionomies bretonnes des sourires de joie, des rougeurs de plaisir, des yeux s’humectant de douces larmes, toutes les expressions, enfin, de l’amour, du respect, et de la reconnaissance. Aussi, on se pressait, on se poussait, pour obtenir la faveur d’un regard du marquis, à défaut d’un mot de sa bouche. Les pères lui présentaient leurs enfants pour qu’il passât ses doigts blancs et aristocratiques sur leur tête ronde et couverte de cheveux dorés. Les vieillards s’inclinaient sur la main qui serrait la leur. Les gars jeunes et vigoureux se redressaient fièrement sous les doigts qui leur touchaient l’épaule ; et les jeunes filles rougissaient en répondant par une révérence aux paroles affectueuses de leur seigneur.
    Arrivé devant l’église, le marquis appela du geste les élus, parmi les vieillards, qui devaient ce jour là s’asseoir à ses côtés. Au nombre de ces derniers se trouvait le vieil Yvon, que le marquis honorait d’une affection toute particulière. Il avait même coutume de baiser sur le front la jolie Yvonne, faveur qui la faisait bien fière, et rendait fort jalouses ses jeunes amies moins bien traitées par le gentilhomme.
    Au moment où le marquis arrivait sur le seuil, le recteur, en étole et en surplis blanc comme la neige de sa chevelure, s’avança suivi de

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