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Marcof-le-malouin

Marcof-le-malouin

Titel: Marcof-le-malouin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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aurons-nous affaire ? Peut-être à quelque beau muguet de la France, qui nous enverra son intendant pour nous appauvrir !
    – Ah ! seigneur Dieu ! fit le tailleur qui, malgré sa loquacité ordinaire, était demeuré bouche close depuis le commencement de la conversation ; Seigneur Dieu ! je n’en puis revenir ! dire qu’il n’y a pas vingt-quatre heures qu’il était là, sur la place, au milieu de nous !
    – C’est pourtant la vérité ! répondirent plusieurs voix.
    – Pour sûr, il y a dans cette mort quelque chose de surnaturel ?
    – Qu’est-ce que vous voulez dire, tailleur ?
    – Je veux dire ce que je dis, et je m’entends. La dernière fois que je suis monté au château, j’ai rencontré trois pies sur la route !
    – Trois pies ! fit observer Jahoua, ça signifie malheur !
    – Et puis après ? demanda un paysan.
    – Après, mon gars ? Dame ! l’année passée, quand j’étais à Brest, vous savez que le pauvre baron de Pont-Louis, Dieu veuille avoir son âme ! est mort comme notre digne marquis, presque subitement, sans avoir eu le temps de se confesser.
    – Oui, oui ; continuez, tailleur.
    – Savez-vous ce qu’on disait ?
    – Non.
    – Qu’est-ce qu’on disait ?
    Et les paysans, se pressant autour de l’orateur, attendaient avec avidité les paroles qui allaient sortir de ses lèvres.
    – Eh bien ! mes gars, on disait que le baron avait été empoisonné !
    – Empoisonné ! s’écria l’assemblée avec terreur.
    – Oui, empoisonné ! et m’est avis que la mort de monseigneur le marquis de Loc-Ronan ressemble beaucoup à celle de M. le baron.
    Les paysans étaient tellement loin de s’attendre à une semblable conclusion, qu’ils restèrent stupéfaits, et qu’un profond silence fut la réponse qu’obtint tout d’abord le tailleur. Cependant Jahoua, plus hardi que les autres, reprit après quelques minutes :
    – Comment, tailleur, vous croyez qu’on aurait commis un crime sur la personne de M. le marquis ?
    – Je dis que ça y ressemble.
    – Et qui accusez-vous ?
    Le tailleur haussa les épaules, puis il répondit :
    – Depuis plusieurs jours on a vu des étrangers rôder autour du château.
    – Eh bien ?
    – Eh bien ! ne savez-vous pas ce qu’on dit de ce qui se passe en France ? Après cela, continua-t-il avec un peu de dédain, dans ces campagnes reculées, on n’apprend jamais les nouvelles ; mais moi qui vais souvent dans les villes, je suis au courant des événements…
    – Qu’est-ce qu’il y a donc ? demanda un vieillard.
    – Il y a qu’à Paris on s’est battu, on a pendu des nobles.
    – Pendu des nobles ! s’écrièrent les paysans avec une réprobation évidente.
    – Oui, mes gars. Ils font là-bas, à ce qu’ils disent, une révolution. Ils veulent contraindre le roi à signer des édits ; et comme les gentilshommes soutiennent le roi, ils tuent les gentilshommes. Qu’est-ce qu’il y aurait d’étonnant à ce qu’on se soit attaqué à notre pauvre marquis, car chacun sait qu’il aimait son roi.
    – C’est vrai ! c’est vrai ! murmura la foule.
    – On m’a raconté qu’en Vendée il y avait déjà des soldats bleus qui brûlaient les fermes et massacraient les gars !
    – Des soldats ! s’écria Jahoua en se redressant. Eh bien ! qu’ils osent venir en Bretagne ! Nous avons des fusils et nous les recevrons.
    – Oui, oui, répondit l’assemblée ; nous nous défendrons contre les égorgeurs !
    – Mes gars ! s’écria le vieil Yvon en se levant, si ce que dit le tailleur est vrai, si on a assassiné notre seigneur, nous le vengerons, n’est-ce pas ?
    – Oui, nous tuerons les bleus !
    Comme on le voit, l’allure de la conversation tournait rapidement à la politique. Le tailleur, agent royaliste, avait su amener fort adroitement, à propos de la mort du marquis, une effervescence que l’on pouvait sans peine exploiter au profit des idées naissantes de guerre civile qui s’agitaient à cette époque dans quelques esprits de la Bretagne et de la Vendée. Le marquis de la Rouairie, le premier qui ait osé lever un drapeau en faveur de la contre-révolution, avait eu l’habileté de se mettre en communication avec tout ce qui possédait une influence grande ou minime sur les terres de Vendée et de Bretagne. Pour nous servir d’un terme vulgaire, « il échauffait les esprits. » Au reste, n’oublions pas que nous sommes au milieu de

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