Marguerite
l’idée
d’un
viol
sordide
n’atteignait
pas
l’esprit
de cette dame vertueuse. Marguerite n’était qu’une gourgandine et sa mère, Victoire Lareau, avait manqué à sa tâche. Elle n’avait pourtant qu’{ bien surveiller sa fille ! Mais au contraire, elle avait détruit tous les efforts qu’elle, Antoinette de Gannes de Falaise, avait faits, en élevant Marguerite comme une demoiselle.
Dans une si petite paroisse où tous se connaissaient, Boileau préférait cultiver l’amitié et fuyait comme la peste les chicanes de voisinage qui rendaient la vie intenable. Ce genre de situation horripilait le bourgeois, qui aimait vivre en bonne entente avec tous et il se désolait de l’attitude de sa femme.
Pourtant, tout s’était si bien arrangé, depuis les histoires de l’hiver dernier, et le ménage des Talham semblait des plus heureux. «Une de mes plus grandes réussites», se disait souvent le bourgeois, fier de son exploit. Mais il connaissait sa femme. Sa bouderie, comme disait Talham, ne durerait pas. En attendant, { l’exemple de sa mère, Sophie refusait de revoir Marguerite. Seule Emmélie se rendait à la maison du docteur presque chaque jour, grâce à la permission de son père bravant les foudres de sa mère qui déplorait que sa fille fréquente Marguerite.
— Je tiens encore à vous remercier, mon cher Boileau, dit Talham. Je suis souvent absent et Marguerite apprécie les visites d’Emmélie. Et comme elle approche de son terme, je n’aime pas la laisser seule. La présence d’Emmélie auprès de ma femme me rassure. Voyez, ce matin je dois me rendre { une lieue d’ici, mais je pars tranquille.
— Soyez donc sans inquiétude. Ne suis-je pas également le protecteur de Marguerite ? Et vous connaissez la détermination de ma fille. Vous devriez songer à la prendre comme infirmière, ajouta-t-il en riant. Je dis souvent à ma chère Falaise que notre Emmélie est animée d’un besoin viscéral de porter secours à son prochain.
— Emmélie est une jeune fille remarquable, approuva Talham.
— Changement de propos, j’ai reçu ce matin une lettre qui a eu l’heur de réjouir ma femme. Grâce { Dieu, notre fils sera de retour en octobre.
— Il y avait bien deux mois que vous n’aviez plus eu de ses nouvelles. Avec toutes ces rumeurs de guerre en Europe, entre la France et l’Angleterre. .
— Il est en sûreté, en Angleterre. Il a eu des ennuis et me demande de lui faire envoyer de l’argent. Mais lisez plutôt.
Monsieur Boileau tendit la lettre au docteur Talham qui la lut avec intérêt.
Londres, le 30 juin 1803
Bien cher père,
Je viens enfin mettre un terme à vos angoisses. Vous avez certainement appris par les gazettes les derniers événements qui bouleversent l'Europe. Vous pouvez rassurer ma mère et mes sœurs qui s'inquiètent de mon sort. Je suis de retour en Angleterre sain et sauf, mais après moult aventures incroyables. Par quel miracle ai-je réussi à atteindre Londres ? Je me le demande encore. J'espère que ma lettre vous trouvera tous en bonne santé et je tiens à vous rassurer sur la mienne qui est maintenant excellente. En effet, j'ai souffert d'une longue indisposition due à des fièvres intermittentes qui ont été soignées par un habile docteur français qui m'hébergeait chez lui, à Calais, peu de temps avant mon retour en Angleterre. Ma convalescence a été heureusement de courte durée puisqu'il me fallait passer le plus rapidement possible de Vautre côté de la Manche, comme je vous le raconte de suite. Tous ces événements expliquent la longue interruption dans ma correspondance.
Au moment de la déclaration de guerre, en mai dernier, j'étais déjà sur le chemin du retour. Mon but était d'atteindre Calais pour traverser en Angleterre, et de là, reprendre le bateau pour le Canada. J'avais visité le Poitou, le pays de nos ancêtres Boileau, et regagné La Rochelle. Un moment, j'ai même pensé monter à bord d'un bateau en direction des Etats-Unis. Mais, mal m'en pris, je voulais revoir une dernière fois les rives magnifiques de la Loire et repasser à nouveau par Paris, ville divine entre toutes.
C'est en arrivant à Orléans que j'ai appris que la paix d'Amiens avait été rompue par les Britanniques. Par surcroît, imaginez mon désarroi lorsque j'ai su que les Anglais avaient installé un blocus continental le long des côtes françaises ! Que faire ? Retourner vers La Rochelle et prendre un navire vers la
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