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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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vous emportez pas ainsi. Nous sommes presque en guerre, en effet, et il court une forte rumeur que le petit Corse aurait envoyé des espions chez nous, et de surcroît, parmi les Canadiens.
    Le jeune homme haussa les épaules en signe de dénégation. Il était certain que Bonaparte avait assez à faire pour achever sa conquête de l’Europe, surtout avec les Anglais dans les pattes, et qu’il n’avait aucunement l’intention d’étendre son empire en Amérique. Mais Blythe, comme tous les Anglais, voyait chez le Premier Consul un ogre à l’appétit insatiable. Surtout que les Américains étaient désormais alliés de la France !
    — Mais de là à lancer à partir des Etats-Unis des espions dans nos populations. . [ l’époque de leur guerre d’indé-
    pendance, cela ne leur avait guère réussi.
    — De nombreux Canadiens sont passés du côté de l’ennemi pendant ces années-là, affirma Blythe. Mais vous êtes trop jeune pour vous en rappeler.
    — J’en ai tout de même entendu largement parler, rétorqua René, vexé.
    Parfois, la supériorité britannique de Blythe l’agaçait.
    « Dans ma propre famille, continua-t-il, des cousins de mon père étaient des républicains enragés. Mais ce sont des choses du passé, poursuivit-il en frottant vigoureusement ses oreilles rougies par le froid pour les réchauffer. Depuis ce temps-là, les Canadiens ont largement démontré leur loyauté envers l’Angleterre. »
    — Pourtant, l’interrompit brusquement le marchand, les incendies qui ont causé tant de dommages à Montréal l’été dernier seraient l’œuvre de cette racaille subversive !
    L’incendie de Montréal de 1803 passera { l’histoire comme étant un incendie criminel.
    Interloqué par ces accusations, Boileau regarda son compagnon :
    — Vous êtes certain de ce que vous avancez ? Dans une de ses lettres, mon père m’a décrit le terrible incendie qui a fait rage à Montréal en juin dernier. Le vieux collège des Sulpiciens, où j’ai passé mes années d’études, détruit par les flammes, en plus de deux églises et de nombreuses maisons.
    Mais il ne disait rien { propos d’incendies criminels.
    — Bien sûr, répondit Blythe, les autorités n’ont jamais pu prouver que ces bandits étaient { la solde de l’ennemi.
    Mais peu de temps avant mon départ pour l’Angleterre, une ordonnance du gouverneur Milnes exigeait que tous les sujets français quittent le pays.
    — Tous les sujets français ? s’exclama Boileau. C’est proprement incroyable ! On aurait obligé des Français à refaire leurs bagages ?
    — Tout dépend. Seulement ceux entrés au pays après le premier jour de mai 1792.
    — Vous me rassurez. Un ami de ma famille, le docteur Alexandre Talham, de Chambly, est arrivé au Canada quelques années auparavant.
    — N’empêche, poursuivit Blythe, que des rumeurs affirment que Jérôme Bonaparte a l’intention d’aller { Albany pour communiquer avec les Français du Canada.
    — Vous voulez parler du jeune frère de Napoléon ?
    — Exactement.
    — N’est-il pas un peu jeune pour fomenter une révolte ?
    dit Boileau. De toute façon, si les Bostonnais n’ont pas réussi à soulever
    les
    Canadiens,
    les
    Français
    y
    arriveront

    encore moins. Et puis, ils ne disposent pas des ressources nécessaires.
    — Vous avez sans doute raison, approuva distraitement Blythe.
    Il espérait bien sûr que le calme soit revenu au Bas-Canada. Les rumeurs de guerre empoisonnaient l’atmosphère dans la ville de Québec et les blocus continentaux rendaient le commerce difficile. Rien de bon pour les affaires !
    C’est { peine si le jeune homme profitait du paysage dont les beautés avaient été célébrées par de nombreux voyageurs auparavant. Le bateau avait pénétré dans le golfe du Saint-Laurent. A environ deux cents milles en aval de Québec, un pilote du nom de Le Clair monta à bord. Le fleuve pouvait être traître à qui ne connaissait pas ses courants contraires et ses récifs cachés, avait appris à Boileau ce vieux loup de mer plutôt sympathique avec qui le jeune homme apprenait les dangers de la «mer», comme on appelait encore le Saint-Laurent à cette hauteur. Le Clair venait de Pointe-au-Père, près de Rimouski, un joli village propre et coquet avec ses petites maisons blanches et ses champs clôturés qu’on pouvait observer du bateau. D’ailleurs, les rives étaient parsemées de ces maisons de ferme entourées de leurs terres cultivées,

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