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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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attendant que le commis termine ses écritures.
    Dehors, les jeunes Lareau s’impatientaient, surtout Marguerite, qui trouvait que toutes ces formalités duraient bien trop longtemps.
    — Penses-tu que Madeline est venue avec son père ?
    demanda subitement Noël { sa sœur.
    Celle-ci éclata de rire.
    — Madeline Tétrault? Mais elle a un œil croche ! Tu la trouves à ton goût? Veux-tu que je rappelle son père pour savoir si sa fille peut être ta blonde ? Tu pourrais entrer chez Bunker et lui demander sa main de suite, ajouta-t-elle d’un ton taquin. Et puis, t’es bien trop jeune pour penser { ces affaires-là, affirma-t-elle sentencieusement, forte de son statut d’aînée.
    Le jeune homme préféra ne pas répondre aux agaceries de sa sœur. Pour se donner de la contenance, il adopta la mine blasée d’un observateur aguerri.
    Le soleil automnal poursuivait sa montée, répandant sur le bassin ses reflets dorés tandis que le village grouillait d’activité. Des charrettes arrivaient par le chemin du Roi, débordant de victuailles à remettre au seigneur ou à vendre au marché qui se trouvait en face de la forge de James Wait, près de l’église. Il régnait la même effervescence sur l’eau : des canots arrivaient de Pointe-Olivier tandis que d’autres partaient d’un des nombreux quais de Chambly pour se rendre sur la rive opposée. Des goélettes amarrées pas très loin de chez Bunker attendaient leur cargaison de marchandises à transporter vers Sorel et Québec. On profitait du redoux pour charger une dernière expédition avant l’hiver, sachant pertinemment que cette douceur était un leurre, que le froid arriverait bientôt et, avec lui, la glace qui empêcherait tout trafic maritime pendant des mois.
    Marguerite soupirait d’aise. La vie était ici, au village, où le temps s’écoulait au rythme du bruit des charrettes qui défilaient sur le chemin du Roi, des cris des chalands autour du marché et des engagés qui chargeaient ou déchargeaient les bateaux. Des étrangers prenaient une chambre
    { l’auberge, tandis que les officiers de la garnison du fort paradaient à cheval devant les dames en pâmoison qui admiraient les
    beaux
    uniformes
    rouges
    ou
    noirs.
    Et
    puis,
    René ouvrirait bientôt son étude de notaire au village. Un éclat de voix la sortit de sa rêverie.
    - Nom de Dieu ! Moi aussi, je prendrais bien un coup de rhum!
    Surpris, les enfants Lareau se tinrent cois, attendant la suite. C’était si rare d’entendre ainsi pester et jurer leur père.

    — Envoyé, grouille, fit sèchement l’habitant { son fils en s’emparant d’une poche de toile remplie de blé. Sacrédié, je t’ai pas amené jusqu’ici pour rien! Sors les cages et suis-moi ! Nom de Dieu de nom de Dieu !
    Les deux enfants n’avaient jamais vu leur père dans une telle colère. Ahuri, le garçon s’empressa d’obéir et transporta les cages dans la cour intérieure où des dizaines d’autres chapons enfermés caquetaient bruyamment. Noël et son père revinrent à la charrette et empoignèrent les poches de grains.
    Soudain, le visage de la jeune fille s’assombrit. Un jeune homme à la tenue débraillée sortait de chez Bunker. Son manteau largement ouvert montrait une veste déboutonnée et une cravate sale, lâchement nouée. Ses longs cheveux bruns et désordonnés s’échappaient d’un chapeau de feutre luxueux importé d’Angleterre. Marguerite reconnut Ovide de Rouville. En dépit de l’heure matinale, il semblait déj{
    ivre. L’apercevant { son tour, le jeune noble chercha {
    capter son attention, la fixant de son regard trouble. En jeune fille bien élevée, Marguerite baissa vite les yeux, replaça machinalement une mèche de cheveux sous sa coiffe et lissa sa jupe d’un vigoureux geste de la main, comme s’il était urgent d’éliminer un faux pli. A quelques reprises, elle avait croisé le jeune Rouville lorsqu’elle était en visite chez les Boileau. Le gamin détestable qui s’amusait { tirer ses nattes avait fait place { un jeune homme hautain qui la toisait d’un regard malsain. L’individu lui déplaisait.
    Mais Ovide de Rouville s’avança vers la charrette et la jeune paysanne réprima un tremblement nerveux. Il la détailla d’un air narquois et s’approcha suffisamment pour lui attraper un bras qu’il serra fortement. De larges cernes sous ses yeux noirs, enfoncés dans leur orbite, indiquaient une vie dissipée et leur donnaient un air de

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