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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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radis seraient bientôt prêts { être récoltés et la famille s’était déj{ régalée d’asperges.
    Malgré ces aliments frais, la monotonie des repas affectait l’humeur de son mari. Ils se composaient invariablement d’un bout de lard agrémenté des légumes de l’année précédente qu’il restait au caveau, passablement ratatinés, et surtout, de pommes de terre que le docteur refusait d’avaler. «De la nourriture de pourceau ! » maugréait-il en bon Français lorsque son épouse lui servait ce tubercule que les Canadiens avaient appris { apprécier sous l’influence des Anglais. Quant aux poireaux et aux oignons, moins flétris que les autres racines, leur seule odeur donnait la nausée à Marguerite.
    Car la jeune femme était de nouveau enceinte. Comme elle n’en était qu’aux premiers mois, sa grossesse demeurait discrète et n’entravait pas ses mouvements.
    Pieds nus dans ses vieux sabots, Marguerite retira son chapeau de paille et sa coiffe pour offrir son visage à ce vent caressant qu’elle savoura pleinement, récompense bien méritée après une fructueuse journée de jardinage. Elle replaça jupe et jupon qu’elle avait retroussés { l’intérieur des cordons de son tablier afin de travailler plus { l’aise.
    «D’ici trois semaines, songea-t-elle avec un brin de gour-mandise, ce sera enfin le temps des fraises. » Elle jeta un regard orgueilleux sur ses plants de fraisiers généreusement fleuris, imaginant { l’avance un bol de petits fruits rouges délicieusement recouverts de crème fraîche.
    Habituée depuis l’enfance { entretenir un potager, Marguerite trouvait toujours du plaisir à cette tâche. Le moment venu, elle s’accroupissait au milieu de la grande parcelle de terre bien retournée, le plus souvent pieds nus, vaquant efficacement à dessiner les carrés de légumes ou à désherber celui des herbes vivaces qui se pointaient dès que la neige avait fondu. Sa nature généreuse s’épanouissait au contact de la terre meuble et fraîche du printemps qu’elle prenait à pleines mains, sans même se donner la peine de mettre des gants.
    Comme le sol était particulièrement glaiseux dans cette partie du bassin de Chambly, Marguerite avait fait venir par pleines charretées de la belle terre grasse provenant de la ferme familiale du chemin de la Petite Rivière. Son mari, le docteur Talham, avait suggéré d’amender la terre avec plusieurs brouettées de fumier de cheval, une pratique que les cultivateurs canadiens ne connaissaient plus. Les terres vierges de ce pays neuf étaient si fertiles qu’il suffisait de les retourner et de semer pour avoir une abondante récolte.
    Comme Marguerite veillait jalousement sur les cultures de son jardin, qui faisait sa fierté, elle avait suivi les conseils de son mari et les résultats ne s’étaient pas fait attendre. L’été dernier, elle avait même partagé des surplus avec toute sa famille. Victoire Lareau avait accueilli avec bonheur cette manne providentielle qui l’avait aidée { nourrir sa famille nombreuse pendant le long hiver. « Cette année, si le temps y met du sien, ma récolte sera encore meilleure», se dit Marguerite en chassant un merle qui cherchait son repas de vers de terre entre les semailles. Déjà, on voyait poindre de minuscules pousses vertes là où elle s’était empressée de semer des épinards et diverses verdures à la fin des premiers gels, dès que l’engagé avait retourné la terre.
    — Dans quelques jours, nous aurons suffisamment de verdures et d’herbes fraîches pour nous faire des salades {
    la crème, fit-elle remarquer à Charlotte qui était à genoux sur une planche au milieu du potager.
    Celle-ci profita de l’aparté pour se redresser péniblement et retira son chapeau de paille pour s’éventer.
    — Il fait trop chaud, madame ! se plaignit-elle.
    Marguerite sourit { cette remarque. Dès qu’il s’agissait de fournir un effort, Charlotte regimbait.
    — Allons Charlotte, Pexhorta-t-elle d’un ton conciliant.
    L’été n’est pas encore l{ et tu te plains déj{. Si ça continue comme ça, tu ne survivras pas aux grosses chaleurs. Je devrais commencer dès aujourd’hui { me chercher une nouvelle servante, ajouta-t-elle pour la taquiner. Justement, la semaine dernière, la veuve Robert, du fief Jacob, m’a proposé les services d’une de ses filles.
    Au regard furibond de sa servante, Marguerite se mit à rire.
    — Tu sais bien que tu nous quitteras

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