Marguerite
associé dans cette entreprise. Souvent, le jeune homme poussait jusqu’{ la ferme voisine pour saluer Victoire et François. De simples visites de politesse, croyait Marguerite, comme il s’en faisait tant entre parents et amis dans une paroisse.
Et puis, il y avait eu cette fois, l’été dernier.. Depuis, pas un jour ne se passait sans qu’elle ne rêve { son regard sombre,
{ ses belles mains aux longs doigts qu’il croisait et décroisait, adorable manie qu’il avait lorsqu’il était pensif.
Avec quelle ferveur elle espérait son retour. Lorsqu’il reviendrait, avait-il dit, il lui ferait une importante demande.
Toute à ses pensées, elle soupira et sourit, surprise par le docteur qui ne put s’empêcher de lui demander :
— Vous souriez aux anges, mademoiselle Lareau ?
Elle sentit le feu lui monter aux joues. Heureusement, Monsieur Boileau venait d’apercevoir son père qui sortait du manoir et le hélait à grands cris joyeux.
— Mon cousin, fit cordialement le bourgeois à François Lareau, qu’il assaillit d’un flot de questions. Approchez et dites-moi comment se porte ma chère cousine Victoire.
Votre fille semble muette aujourd’hui, ajouta-t-il en clignant de l’œil en direction de la jeune fille. Tu dois être impatiente de retrouver tes cousines, Marguerite ? Allez, va. Tu auras tout le temps de nous donner des nouvelles pendant les trois jours qui viennent. Car vous nous confiez toujours votre fille, n’est-ce pas, Lareau ?
— Oui, bien sûr. Marguerite ira chez vous. Comme convenu, balbutia Lareau en soulevant son chapeau, dérouté comme toujours par la présence de madame Boileau. Le fait qu’il était le cousin par alliance d’une aussi noble dame le dépassait. Et ma femme va bien, ajouta-t-il, je lui trans-mettrai vos salutations. Notre petite Esther la tient fort occupée.
— Quel âge a-t-elle déjà ? demanda poliment madame Boileau.
— Quatre ans, madame. Elle est un peu plus jeune que votre demoiselle Zoé, je crois bien.
— Puisse Dieu nous les laisser toutes les deux !
— Pour ça, oui, madame, qu’il leur laisse la santé ! C’est une grande chance que d’avoir de nombreux enfants.
— Vivants et en santé, ajouta madame Boileau d’un ton cassant.
Lareau fixa le sol. Il venait de commettre un impair impardonnable. Inévitablement, évoquer le bonheur d’avoir une famille nombreuse indisposait madame Boileau dont presque tous les enfants étaient devenus de petits anges. Il allait encore s’empêtrer en bégayant une réponse lorsque l’arrivée inopinée d’un couple et de deux fillettes soigneusement vêtues le tira d’embarras.
— Ma chère madame Bresse, s’exclama la noble dame avec exagération en entraînant son mari vers les nouveaux venus, négligeant de saluer l’habitant.
— Ne vous en faites pas, monsieur Lareau, fit le docteur en lui prenant le bras. La douleur égare parfois cette bonne madame Boileau. C’est tout { votre honneur, { vous et { votre femme, d’avoir des enfants en santé, ajouta-t-il.
— Je le sais bien, répondit François Lareau avec reconnaissance au docteur, qui atténuait les propos amers de la dame. Mais ce n’est pas une raison pour en vouloir au monde entier, grommela l’habitant. Ma femme et moi, on peine dur. En plus, on peut tout de même pas faire mourir nos enfants pour faire plaisir à la dame.
— C’est triste, ajouta Marguerite. Mais c’est Dieu qui décide, n’est-ce pas, docteur Talham ?
— Oui, sans doute, mademoiselle, répondit le docteur qui était loin d’avoir cette certitude.
Ce petit incident pressa encore plus François Lareau qui avait hâte de quitter les lieux. Il fit une dernière recommandation { Marguerite, l’incitant { retrouver ses cousines, et partit rejoindre son fils. Ce dernier s’était posté { côté de la charrette, préférant observer de loin les beaux messieurs et les belles dames déambulant dans la cour.
— Viens, allons plutôt faire un tour chez l’oncle Nicolas Lagus.
Noël approuva en détachant la jument. Soulagés du devoir accompli, les Lareau franchirent le porche pour gagner le cœur du faubourg où habitait le beau-frère de Victoire, veuf de sa sœur Elisabeth.
Malgré elle, Marguerite se retrouva encore seule avec le docteur. Cherchant des yeux Emmélie et Sophie, elle ne les voyait nulle part et afficha une petite moue dépitée.
— Vous devrez encore subir ma compagnie, lui dit le docteur, amusé. Nous finirons bien par
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