Marguerite
Melchior et Ovide. J’avais cru le voir sortir de l’écurie, mais je n’ai jamais été persuadée que c’était bien lui. Lors de la réception donnée en l’honneur de la baronne, tu te rappelles, { l’été de 1807, j’ai compris qu’Ovide de Rouville était celui qui effrayait Marguerite.
Plus d’une fois, j’avais surpris son regard apeuré en sa présence. Mais c’était difficile d’en avoir la certitude. Que de non-dits !
René s’effondra au creux de son fauteuil avant de s’exclamer:
— Quand je pense que dans mes pires cauchemars, j’ai haï Talham au point de le tuer. Alors qu’en réalité, il l’a sauvée. Mais, dis-moi, est-il au courant de l’identité du véritable père de Melchior ?
— Je crois qu’il l’ignore. Mais je me suis toujours demandée si père n’avait pas deviné. Et puis, { quoi cela lui servirait-il de révéler ce qui s’est réellement passé ? Talham serait blessé. Il a de l’estime pour le colonel de Rouville.
S’il connaissait la vérité, il ne pourrait plus le considérer de la même manière, et ce serait infernal pour lui.
— Mais alors, fit René, Marguerite a vécu toutes ces années avec ce lourd secret? Nous devrions peut-être lui avouer comment nous l’avons découvert, afin qu’elle sache qu’elle n’est plus seule.
— Non, je ne suis pas d’accord, dit Emmélie. Si après toutes ces années, Marguerite n’a rien dit, il nous faut respecter son silence.
René acquiesça. Puis, il ouvrit un petit tiroir de son bureau de travail et retira d’une pochette de cuir un petit objet, enveloppé d’un vieux mouchoir.
— J’avais rapporté ceci de France, dit-il à Emmélie en lui montrant un saphir bleu en cabochon*.
— Oh ! s’exclama-t-elle en posant délicatement la pierre dans le creux de sa paume. Je n’ai encore jamais rien vu d’aussi beau! C’était. . pour Marguerite ?
— Je l’ai achetée { Paris, répondit-il. J’aimais cette pierre. Chaque fois que je la regardais, je pensais à elle, puis je me disais que j’étais un pauvre imbécile.
— Pauvre toi ! Nous faisons une belle paire, toi et moi.
— Emmélie, ma chère sœur, si toi et Sophie n’aviez pas été là, je crois que je serais reparti au loin pour ne plus jamais revenir, avoua René.
*****
Le curé Bédard avait convoqué Ovide de Rouville au presbytère. En réalité, c’était une véritable intimation au tribunal de Dieu, dont il se faisait le procureur, et le curé avait bien fait comprendre qu’il ne pouvait se désister. Jean-Baptiste Bédard pouvait enfin confondre Ovide de Rouville.
La dernière frasque de l’impudent, chez les demoiselles de Niverville, était le prétexte qu’il attendait depuis longtemps.
Ovide de Rouville avait tenté de séduire la servante des Niverville. Thérèse avait surpris le jeune homme dans la cuisine du manoir qui essayait de retrousser les jupes de la jeune femme. La pauvrette ne pouvait crier, il lui maintenait la tête avec une main sur la bouche, mais elle se débattait farouchement. Le hurlement de la demoiselle de Niverville avait sauvé la jeune fille du pire. Ovide avait brusquement relâché sa proie et était sorti en prétendant grossièrement que Marie-Desanges l’avait provoqué.
Mais la scène était sans équivoque, même pour une demoiselle de Niverville. Elle s’empressa de tout raconter à sa sœur qui fut si fortement secouée qu’il fallut deux fois les sels pour la ranimer. Les deux femmes décidèrent de ne rien rapporter à leur frère, qui avait maintenant de lourdes charges. Le fils de Rouville était impliqué, ce qui était bien embêtant.
Les demoiselles n’arrivaient plus { trouver le sommeil.
Sans compter que leur petite servante, terrorisée, voulait rendre son tablier. Elle connaissait trop bien le sort des servantes qui se retrouvaient enceintes dans une bonne maison. Elles étaient jetées à la rue.
— Qu’allons-nous faire, ma sœur? avait demandé Thérèse à Madeleine.
— Nous n’avons pas le choix d’en parler { monsieur le curé. Lui seul peut parler à ce jeune. . mécréant! avait fait la deuxième demoiselle en s’étranglant.
— Et convaincre Marie-Desanges de rester avec nous.
Elle n’a rien fait de mal, mais menace de nous quitter. Elle ne se sent plus en sécurité chez nous !
Le fils du seigneur de Rouville qui avait osé l’attaquer chez elles, dans l’antique manoir des Niverville de Chambly!
C’était proprement
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