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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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leur offre son amitié. Une telle intimité était précieuse.
    Les jeunes filles reprirent leur babillage, mais leur belle insouciance s’était envolée. Emmélie remarqua alors que Marguerite avait disparu. « Les propos d’Ovide l’ont certainement choquée, se dit-elle. Elle a préféré s’éclipser dicrètement plutôt que d’entendre encore des paroles dures qui écorchaient son orgueil de paysanne. »
    Attristée par la scène disgracieuse, Julie aussi était Dépitée. Dès que son frère était dans les parages, il s’employait lui gâcher
    son
    plaisir.
    C’était
    si
    rare
    qu’elle
    ait
    droit à la compagnie de jeunes filles de son âge. Sa mère l'obligeait constamment à la suivre dans ses nombreux voyages à Montréal, elle qui aimait tant la vie paisible de la campagne, contrairement à madame de Rouville qui S'Y
    ennuyait ferme. Vivant continuellement dans des malles, Julie pouvait difficilement se lier à qui que ce soit. A vrai dire, elle se sentait très seule et enviait la complicité des sœurs Boileau, malgré leurs disputes. Elle admirait leur générosité qui les amenait { s’entendre avec leur cousine, une fille d’habitant. Julie se promit que lorsqu’elle reverrait Marguerite, elle s’efforcerait d’être plus aimable.
    L’apparition malheureuse d’Ovide rappela { Julie l’altercation qu’elle avait surprise, le matin, en se rendant aux appartements de sa mère dans le but de lui emprunter un de ses beaux cols en dentelle. Des éclats de voix provenant de la pièce avaient coupé net son élan. Malgré la lourde porte en bois, elle avait entendu son père, monsieur de Rouville, qui parlait fort, avec un ton cassant d’officier militaire, signe de grande colère.
    Julie savait que son père n’entendait que des commentaires désagréables de la part des supérieurs de son frère, même si on prenait grand soin de ne pas le choquer outre mesure. Comment expliquer { un homme d’envergure que son unique fils était plus insignifiant que valeureux, plus frivole que sérieux ?
    — Nous n’avons droit { tes visites que lorsqu’il te faut quémander de l’argent { ta mère! hurlait monsieur de Rouville. Je vous interdis formellement, madame, de prêter le moindre denier à ce bon à rien ! La paresse et la lâcheté ne méritent aucune récompense! avait conclu le colonel d’un ton sans réplique.
    Madame de Rouville n’avait pas répondu. « Elle ne dit jamais rien lorsque père est dans cet état-là, avait constaté Julie, mais dès qu’il aura le dos tourné, Ovide reviendra et obtiendra ce qu’il veut de mère. C’est toujours comme ça.
    On dirait qu’il n’est bon qu’{ créer du désordre, partout où il passe. Et pourtant, mère ne sait rien lui refuser. »
    Penaud, le jeune homme était sorti de la pièce sans apercevoir sa sœur, dissimulée dans une des encoignures du couloir. Navrée d’avoir assisté { cette scène, cette dernière était retournée discrètement dans sa chambre en oubliant ce qui l’avait amenée { rendre visite { sa mère. Elle s’était consacrée uniquement à sa toilette avant que les villageois et les habitants ne commencent à affluer au manoir.
    Julie détestait ces disputes. Leur mère, née Marie-Anne Hervieux, était la fille d’un riche commerçant de Montréal qui avait fait fortune dans la traite des pelleteries. Plus riche que tous les Rouville et autres familles nobles réunies, elle ne déliait pas facilement les cordons de sa bourse. Julie en savait quelque chose, elle qui devait user de stratagèmes pour que sa mère consente parfois à lui offrir une nouvelle toilette. Mais le plus triste était que chez les Rouville, une ancienne et noble famille seigneuriale s’il en était une, il n’y avait que discorde et haine, ou pire, indifférence.
    Seul son père lui témoignait { l’occasion un brin de tendresse, comme s’il se rappelait soudainement qu’il avait une fille. Sinon, Julie ne trouvait aucun réconfort dans l’atmosphère froide des belles pièces lambrissées du manoir tout neuf.

    *****
    De fait, après avoir été repoussé par sa sœur et ses amies, Ovide de Rouville était revenu à la charge. Croyant son père occupé avec son notaire et ses censitaires, le jeune homme avait fait une nouvelle tentative auprès de sa mère pour obtenir la somme dont il avait tant besoin pour faire taire ses créanciers les plus acharnés. En montant chez elle, par la plus grande des malchances, il avait

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