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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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débattait comme un cheval en furie. On allait bien voir s’il était lâche, lui qui portait le glorieux nom d’Hertel de Rouville. N’y avait-il donc que l’armée pour l’honorer ? Tôt ou tard, il hériterait de la seigneurie de son père ainsi que des terres et fiefs qu’il possédait { Chambly. Il veillerait, lui, à ce que les habitants payent chaque année leurs cens et rentes, sans faute. Il ne serait pas faible comme son père, qui écoutait trop facilement les jérémiades de ses censitaires.
    Il suffisait qu’un pauvre bougre se présente au manoir en se lamentant, et les retards s’accumulaient pendant des années ! Tout cela changerait le jour où lui, Ovide de Rouville, digne descendant de la longue lignée des Hertel, serait le maître. Son père était usé. Il finirait bien par mourir tôt ou tard.
    « Plus tôt que plus tard, nom de Dieu ! » avait-il souhaité méchamment.

    Près de l’écurie, le palefrenier avait déserté son poste pour se joindre à la fête. « Encore une autre preuve de la faiblesse paternelle, avait-il maugréé. Même ses engagés se moquent de lui ! » Il devrait lui-même seller son cheval.
    Frustré, Rouville donna un coup de pied à un chat dont le seul crime était de sortir de l’écurie { ce moment précis.
    Cette scène pénible avait retardé l’arrivée de l’hôte parmi ses invités. Monsieur et madame de Rouville faisaient enfin leur apparition dans la cour, accompagnés du notaire Leguay, qui tenait le registre des terres du seigneur, et de son épouse. Derrière le notaire se tenait modestement un jeune homme efflanqué, Médard Pétrimoulx, son clerc notaire.
    — Tiens donc, remarqua le docteur Talham, c’est le fils de l’ancien capitaine Pétrimoulx qui est avec Leguay?
    — J’ai entendu dire qu’il a commencé son apprentissage, affirma Boileau.
    — Vous ne craignez pas qu’il prenne la place de votre fils?
    — Cela n’arrivera pas. Mon fils doit s’établir dès son retour d’Europe, l’été prochain, et fera sa demande de commission pour
    Chambly.
    Le
    jeune
    Pétrimoulx
    n’en
    sera
    pas encore l{ et lorsqu’il y arrivera, il obtiendra facilement une commission pour Pointe-Olivier. Vous savez que Leguay est malade et prendra bientôt sa retraite?
    Mes chers amis ! s’exclama alors le colonel de Rouville de sa voix de stentor tout en soulevant son bicorne d’apparat qu’il avait coiffé pour la circonstance.
    — Alors, Boileau, comment vont vos récoltes? s’informa l'auguste personnage en gratifiant le bourgeois d’une vigoureuse tape sur l’épaule.
    Le plaisir qu’il éprouvait { retrouver la société de Chambly se lisait sur son visage réjoui. Un heureux dérivatif aux disputes précédentes.
    — Je suis prêt à parier une forte somme que le petit Potts jubilait en inscrivant vos rentes dues à Christie dans son grand registre. Vos granges débordent !
    — Ah ! Largement, largement, mon cher Rouville. Mes fermiers sont habiles et travailleurs, et cette année a été bénie des dieux ! J’avoue que mes affaires sont excellentes, et mes commis sont attendus dans les marchés de Longueuil et de La Prairie. Les blés de Chambly sont parmi les meilleurs du Bas-Canada et les pommes de nos vergers sont appréciées jusqu’{ Montréal. Espérons que cela durera. Je vous ai fait porter un minot de mes meilleures Calville blanches, ainsi que des poires bon-chrétien pour madame de Rouville qui aime { s’en régaler.
    — Cher ami ! Merci, nous acceptons avec joie vos pré-
    sents puisque ce sont ceux de l’amitié, déclara-t-il avec cette courtoisie qui faisait oublier la rudesse du militaire.
    A cinquante-cinq ans, le colonel de Rouville présentait les signes d’une vieillesse prématurée, provoquée sans doute par une vie qui l’avait mené sur les champs de bataille. Son nez busqué, héritage de son père, était raboteux comme un vieux chemin. Il avait le cheveu rare, le teint tanné et l’air fatigué de celui qui avait beaucoup vécu. Malgré tout, sa mère, Louise André de Leigne - qui avait été l’une des plus belles femmes de la Nouvelle-France -, lui avait légué ses beaux traits et un regard doux.
    À ses côtés, madame de Rouville esquissa un mince sourire à Monsieur Boileau en guise de remerciement. Elle portait l’un de ces bonnets de mousseline qu’elle affectionnait, démesurément hauts et empesés, ce qui lui donnait l’air austère d’une religieuse cloîtrée. Le bec pincé,

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