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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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rang.
    Si elle estimait Emmélie - on ne pouvait que s’attacher à cette jeune fille vive mais discrète -, Sophie, cette gracieuse fée qui affichait ses privilèges avec un tel plaisir, l’enchantait. Elle ravissait le regard avec ses robes, ses chapeaux extravagants et son joyeux tourbillon de couleurs pastel et de rubans soyeux. Les villageois eux-mêmes n’avaient de cesse d’admirer la demoiselle Boileau, si coquette et tellement souriante, lorsqu’elle faisait une promenade en calèche ou à pied. Les hommes étaient charmés par sa
    belle
    tournure
    et
    les
    femmes
    s’extasiaient
    devant ses toilettes froufroutantes qui seraient déplacées pour n’importe laquelle d’entre elles, { la campagne, sauf chez l’éblouissante Sophie, blonde et charnelle. Son frère René avait reçu d’elle l’impérieuse mission de rapporter, sans en omettre aucun, tous les détails de la mode de Londres et de Paris à son retour.
    La demoiselle de Rouville avait beau avoir un nom à rallonge et à particule, elle ne semblait être, en comparaison, qu’un petit oiseau décharné, jeté hors du nid et abandonné au pied de l’arbre. Malgré son haut rang, on aurait dit qu’elle cherchait { se faire oublier derrière des toilettes ennuyantes et sans raffinement. Sa robe était grise, sans aucun autre ornement qu’un col de dentelle et un chapeau dont les rubans pendouillaient tristement. Son manteau assorti était de la même teinte affligeante que la robe, donnant { la jeune fille, plus maigre que mince, l’allure d’une pauvresse habillée par charité. De grands yeux tristes mangeaient son visage osseux, orné de l’ineffaçable marque familiale, l’horrible nez des Rouville dont elle avait hérité, un appendice long, bossu et pointu. Fort heureusement, une jolie bouche, aux lèvres bien dessinées, faisait entendre une belle voix aux sonorités profondes.
    Pendant que les jeunes filles devisaient joyeusement entre elles, une voix railleuse se fit entendre :
    — Ma chère sœur, puis-je me joindre à votre conversation, demanda Ovide de Rouville avec une politesse faussement affectée.
    Le jeune homme avait remis de l’ordre dans sa toilette débraillée du matin, mais il empestait toujours le rhum et passa insolemment son bras autour de la taille d’Emmélie.
    — Belle Emmélie, très chère Emmélie, montrez-moi vos jolis yeux doux.
    —Je vous en prie, monsieur de Rouville, gronda la jeune fille en se dégageant brusquement de l’audacieux, vous me gênez. Et si mon père vous voyait, il pourrait se ficher.
    — Au contraire, ma chère enfant, votre père sera ravi de me voir vous courtiser. Pensez donc, un Rouville !
    Emmélie tança le jeune fat d’un regard affligé qui en disait long. «Ma chère enfant», avait-il dit. C’était tellement ridicule ! Ovide de Rouville n’avait que dix-neuf ans, à peine un an de plus qu’elle. D’ailleurs, elle n’aimait pas du tout ce garçon qu’elle jugeait retors et paresseux. [ peine entré au collège de Montréal, fréquenté par tous les jeunes gens de la rivière Chambly, il avait déclaré {, ses parents qu’il laissait les études - du moins, c’était ce qu’on racontait. Et puis, Emmélie avait appris qu’il était plus connu pour ses dettes de jeu et ses notes de tailleur que pour son assiduité à l’entraînement. Le jeune Rouville décevait ses parents, et même sa sœur, si elle en jugeait par l’air désabusé de Julie.
    Mais Ovide poursuivait son badinage prétentieux.
    — Ma chère sœur, il faut m’aider { convaincre l’une de ces jeunes filles de m’accompagner { la soirée que donnera le sieur de Niverville, ce cher vieux débris. J’ai l’intention de passer la semaine { Chambly et de m’amuser.
    — Ne comptez pas sur nous, répondit vivement Sophie, nous avons déj{ décliné l’invitation. Nous nous rendons {
    Longueuil, chez la baronne Grant, avec nos parents.
    — Vous refusez donc de vous afficher en société avec moi, mademoiselle Boileau ?
    — Monsieur de Rouville, il faudra nous excuser, répliqua vivement Emmélie. Notre père ne permet pas que nous sortions sans être accompagnées et depuis le départ de notre frère, nous ne sortons qu’avec nos parents.
    — Votre frère, appuya Ovide d’un ton narquois.
    — Il est en Europe, rappela Sophie. Notre père croit que c’est la meilleure manière de parfaire l’éducation d’un jeune homme.
    Rouville eut un rire sarcastique.
    — Le sieur Boileau se

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