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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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le temps de se remettre de la terrible nouvelle rapportée par son mari que Françoise Bresse se présentait chez eux avec ses mines de chatte à la recherche de son bol de crème.
    La noble dame gratifia l’arrivée de son mari dans la pièce d’un regard de soulagement. Tous les habituels sujets de conversation concernant le temps qu’il faisait, l’hiver difficile, les vents destructeurs et les dernières mésaventures des demoiselles de Niverville étaient épuisés. Les questions indiscrètes ne manqueraient pas d’arriver et elle n’avait pas la force d’y répondre.
    — J’ignorais que votre pauvre Sophie souffrait de migraines, persifla Françoise, qui n’était certainement pas dupe des excuses embarrassées de madame Boileau. Je m’informais { l’instant auprès de votre dame { savoir ce qui arrivait au pauvre docteur Talham ! On m’a dit l’avoir vu courir chez vous plusieurs fois aujourd’hui et dans un grand état d’agitation.
    — Ma chère madame Bresse, vous connaissez notre ami médecin. Toujours l’esprit ailleurs, ne pensant qu’{ la santé de ses patients. Je le crois tourmenté par l’état de la pauvre dame Robert, celle qui habite le bas de la paroisse. Il craint une épidémie de fièvres. . pourpres, à moins que ce ne soit une fièvre infectieuse tropicale, affirma-t-il. Troublant !
    — Des fièvres tropicales! Monsieur Boileau, vous vous moquez, se vexa Françoise.
    — Vous savez, moi, tous ces grands mots savants, je m’y perds, répliqua évasivement Monsieur Boileau qui cherchait à détourner la conversation. Mais dites-moi, chère voisine, comment vont les affaires de votre époux? A-t-il finalement acheté cette maison à Montréal qui appartient aux petites Sœurs de la Charité ? Il me disait qu’il en aurait un bon prix. — Croyez-vous que mon époux, un chrétien exemplaire s’il en est un, chercherait son profit dans les difficultés de ces saintes femmes ?
    — Dieu m’en garde !
    — Mon mari badine, comme toujours, ma chère Françoise, intervint madame Boileau. Il a trop d’admiration pour votre époux pour sous-entendre des manœuvres douteuses.
    N’est-ce pas, mon ami ?
    Boileau sourit à sa femme en acquiesçant.
    — Monsieur Bresse est un homme remarquable. Aimable dans la bonne société et généreux envers les pauvres. Que diriez-vous d’une partie de whist, ma chère ? demanda-t-il le plus sournoisement du monde, sachant qu’après le commérage, le whist était le péché mignon de madame Bresse.

    Mais Françoise repoussa courageusement la tentation.
    Constatant qu’elle ne tirerait plus rien d’intéressant de sa visite, elle s’excusa, même, si elle était de plus en plus persuadée que Monsieur Boileau se payait sa tête en lui cachant un fait important concernant le docteur Talham.
    — Avouez quand même que le docteur avait une drôle de mine aujourd’hui, insista-t-elle avant de partir.
    Monsieur Boileau la raccompagna jusqu’{ la porte.
    — Vous avez sans doute raison. Peut-être couvre-t-il une grippe ? conclut-il en aidant Françoise { s’envelopper dans son grand manteau. Si je le vois, je ne manquerai pas de lui faire part de votre sollicitude. Adieu, chère amie, et revenez bientôt, ajouta-t-il en lui baisant la main, trop heureux de se débarrasser aussi facilement de l’envahissante voisine et de ses questions indiscrètes. Mais les yeux noirs empreints de scepticisme de Françoise lui apprirent qu’elle n’était pas dupe de ses manœuvres détournées. Il y avait quelque anguille sous roche à propos du docteur, elle en était certaine. Elle finirait bien par tirer l’affaire au clair.
    Tout de même, quelle journée extraordinaire! se dit Monsieur Boileau en regagnant son cabinet avec une pointe d’angoisse. Car, malgré sa dernière proposition, il ignorait toujours s’il avait réussi { convaincre le docteur Talham d’épouser Marguerite.

    Chapitre 6

    La demande

    Alexandre Talham contemplait le spectacle qu’offrait la large étendue blanche qui s’étalait devant sa demeure. L{
    d’où il venait, ceux qui redoutaient les arpents de neige ignoraient tout des splendeurs de cette saison nordique. De ce pays rude, Talham avait appris que l’hiver canadien était comme une belle dame farouche qu’il fallait apprivoiser.
    Lorsqu’on savait affronter la déesse glacée en s’habillant chaudement de vêtements de laine et de fourrure, elle devenait irrésistible. La neige était une magicienne

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