Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
Vom Netzwerk:
champs blonds du pays de Caux, sans oublier le vieux collège où je fis mes études, dans la bonne ville de Rouen.
    Mais ce n'est pas la nostalgie qui m'amène auprès de toi en cette froide journée de février. Lorsque tu liras ces lignes, tu apprendras mon remariage avec la demoiselle Marguerite Lareau.
    Je sais, j'avais juré de ne jamais me remarier après la mort de ma chère Appoline. Que le Créateur me pardonne ce serment qui ne sera point tenu! Mon Appoline demeure, dans mon cœur, une compagne irremplaçable. Son caractère avenant, ses manières distinguées, sa belle sociabilité et son intelligence me convenaient en tout point. Et pourtant, demain, à l'aube, avant même que le soleil ne se lève, je prononcerai pour la deuxième fois les vœux solennels du mariage. Le seigneur de Rouville et Monsieur Boileau seront mes témoins. Comme tu vois, je serai bien entouré.
    Les Lareau sont les éleveurs de la région et leurs grands troupeaux font Venvie de tous. Ma future belle-famille a de nobles origines, de celles qui comptent dans ce pays. Marguerite aura dix-huit ans. C’est une jeune fille accomplie et gracieuse. Elle est plus châtaine que blonde, avec de beaux traits. Au-delà de Vocéan qui nous sépare, j'entends l'écho de tes exclamations! Tu vas me remettre sous le nez mes beaux discours de jeunesse qui dénon-
    çaient violemment les grandes différences d'âge entre époux.
    Comment je méprisais ces barbons épousant des tendrons! Oui, ma chère Adélaïde, la demoiselle a plutôt l'âge d'être ma fille que mon épouse. Me voilà à mon tour Pygmalion prenant pourfemme une jeune fille qui ne connaît rien du monde. Et tu n'es pas au bout de tes indignations, puisque la demoiselle attend un enfant et ce n'est pas moi qui en suis le père. Pygmalion, je le veux bien, mais satyre, non!
    Tous ignorent qui est le père de l'enfant. Marguerite refuse de révéler son nom. Je n'ai pas non plus l'intention d'interroger ma future épouse. Le sujet est délicat. Inutile d'entreprendre une vie conjugale avec des reproches sans fin. J'ai accepté de prendre cette responsabilité, alors n'en parlons plus.
    Dans ma pratique, il m'est arrivé de rencontrer des cas semblables de jeunes filles. J'en ai vu, terrorisées, qui s'enfer-maient dans un mutisme destructeur. Souvent, leurs familles les affublent d'un mari trouvé dans la parenté ou dans le voisinage.

    Quelques-unes sont malignes et le futur mari ignore tout de son sort.
    Pourquoi ai-je accepté cette paternité imposée ? Je fai déjà parlé de mon ami Monsieur Boileau. Il est un proche parent de ma future épouse et c'est par son intermédiaire que tout est arrivé. Madame Lareau s'était aperçue que sa fille Marguerite avait, comme on dit ici, « la maladie ». L'enfant étant le résultat d'une odieuse agression, assurait-il, il fallait trouver un modus vivendi honorable pour la jeune fille, c'est-à-dire lui dénicher rapidement un mari. Et il m'avait choisi, parmi tous ceux qu'il connaissait!
    Embobeliné dans d'extravagantes circonlocutions, mon ami Boileau me fit d'abord un petit discours sur les héritages, les cris joyeux des petits enfants égayant le désert d'une grande maison comme la mienne et les attentions dont nous entourent ces chers enfants lorsque nous vieillissons. Ce cher Boileau oubliait tous les vieillards maltraités par leurs propres enfants, des situations déplorables qu'un médecin est à même d'observer trop souvent. Il chercha à m'attendrir sur les malheurs de la famille Lareau : les parents désemparés, le déshonneur de la jeune fille, le scandale à dissimuler. J'étais le mari idéal pour sa petite cousine. Je lui opposai vivement mon désaccord. Je n'étais qu'un vieux loup endurci qui se passionnait pour ses malades. Mes livres et la musique me tenaient compagnie et l'aimable société de Chambly m'offrait le divertissement. Je possède un petit bien et ma domestique s'occupe de mon ménage. Pour moi, c'était bien suffisant.
    Mais j'ignorais à quel point Boileau était tenace. Il réussit à convaincre le curé qui approuva l'idée et décida de jouer les
    « marieuses »: bonne famille, belle éducation et dot convenable, la demoiselle fera une excellente épouse de médecin. On invoqua mon esprit chevaleresque, on fit appel à ma compassion, on me fit miroiter une belle descendance, déjà en route par ailleurs. . On m'emberlificota de belle manière. Le curé approuvant, je me trouvai

Weitere Kostenlose Bücher