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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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piégé.
    J'aurais pu dire non. Mais certains arguments de Boileau avaient fait mouche et mon univers paisible s'était écroulé. Durant des heures, je soupesai le pour et le contre. La venue d'une jeune femme redonnerait vie à ma maison, certes, mais elle bousculerait profondément mes habitudes. Des enfants? Ils m'apporteraient certainement de la joie et une descendance, mais aussi bien des soucis. Folie que ces épousailles qui entraveraient mon travail! Je subirais des contraintes qui jusqu'alors m'étaient tout à fait inconnues. Une seconde plus tard, pourtant, je me moquais de moi.
    Avoir une famille fait partie du désir de tout homme. Les médecins ne sont pas tenus au célibat, comme les prêtres. Voilà qu'on me proposait la main d'une jeune femme charmante assortie d'une grande famille et je rechignais. Les rumeurs villageoises iraient bon train, puis s'effaceraient comme peau de chagrin. Je deviendrais du coup cousin de Boileau, j'appartiendrais à son clan.
    L'alliance proposée devenait séduisante.
    Et puis, Charlotte, ma servante, m'abandonnera un jour pour se marier. C'est ainsi qu'après avoir retourné tout cela dans ma tête, j'acceptai d'épouser la jeune fille. A quoi bon réfléchir plus longuement? L'enfant s'annonce pour la fin de l'été et pour sauver les apparences, il fallait faire vite. Le curé s'est chargé d'obtenir les dispenses nécessaires auprès de l'évêque. J'ai rencontré la famille de la jeune Marguerite et nous nous sommes entendus sur les conventions de mariage. Voilà comment je suis devenu le sauveur d'une jeune fille perdue.
    Alexandre Talham déposa sa plume sur Pécritoire. Adélaïde croirait-elle à ce conte de chevalier sans peur et sans reproche épousant la bergère en détresse ? «Et toi, docteur, y crois-tu seulement?» se demanda-t-il. De plus en plus, Marguerite occupait ses pensées, il ne pouvait se le cacher.
    Calmement, il reprit sa plume.

    Voil{ toute l'histoire, ma chère sœur. Demain, je serai bel et bien marié. Si un jour j'ai une fille, elle portera ton doux prénom en souvenir de cette sœur qui m ’a tant chéri, enfant. Je termine prestement. Il me reste à écrire à notre père pour lui annoncer la nouvelle. Je compte sur toi pour lui donner les détails que tu jugeras bons. Je suppose qu ’il m ’approuvera, lui qui s’est remarié si vite après la mort de notre mère. Le commis de Monsieur Boileau part tantôt pour Montréal. Il déposera la lettre chez une de ses connaissances qui part à la Nouvelle York. Les « paquet boats » partent de là-bas plus tôt, et ainsi, ma lettre arrivera plus vite pour te dire toute mon affection.
    Adieu, ma chère sœur, et sois assurée de l’amour de ton frère,
    Alexandre

    *****

    La veille du mariage, Marguerite avait rencontré le curé Bédard pour l’obligatoire confession. Elle savait que le curé en profiterait pour sonder son âme, mais elle était bien décidée { ne pas le laisser entrer dans le côté obscur d’un jardin dont elle avait verrouillé la porte à jamais. Même son fiancé, le docteur, était d’accord sur ce point. A sa dernière visite, Talham avait pris à part sa promise pour la rassurer.
    — Les aveux d’un confessé ne franchissent jamais les lèvres scellées d’un homme de Dieu, lui avait rappelé le docteur. Mais ce que vous devez comprendre, avait-il dit d’une voix douce, c’est que vous n’êtes pas dans l’obligation d’avouer { notre curé le nom de celui qui vous a blessée.
    C’est votre secret et vous avez le droit de le garder pour vous. Dieu sait que vous n’avez pas péché, Marguerite, et moi, je le crois aussi. C’est tout ce qui importe.

    Perplexe, la jeune fille avait contemplé le bout de ses souliers de bœuf*. Le docteur semblait comprendre ce qu’elle ressentait. C’était certainement un miracle. «Une blessure», avait-il
    dit.
    Cette
    chose
    ignoble,
    qu’elle-même
    n’arrivait pas à nommer, serait une blessure? Elle pourrait donc en guérir? Lorsqu’elle releva la tête, ses yeux reconnaissants croisèrent ceux de son futur mari. Plus que de la compréhension, elle y découvrit de la bonté et les premières lueurs d’une tendresse infinie.
    — Vous avez assez souffert, ces dernières semaines. Sauf qu’il nous faut nous soumettre { la confession prénuptiale.
    Faites-le suivant votre habitude. Et si messire Bédard cherche à provoquer vos aveux, ne répondez pas, si tel est votre désir. L’important, pour

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