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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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anonyme éclairée par la lueur vacillante d’une chandelle rivée au martinet, ne gardant que sa chemise et ses bas de laine pour la tenir au chaud. Elle attacha lentement son bonnet de nuit, le cœur meurtri, sans comprendre pourquoi. Puis soudain, une immense vague de désarroi l’envahit. Elle éclata en sanglots. Elle pleura sans pouvoir s’arrêter, submergée par le mal du pays. Ses frères et ses sœurs lui manquaient. Et sa mère et son père. Elle avait un besoin impérieux de les voir, de se retrouver dans le giron rassu-rant de l’univers familial, à la ferme de la Petite Rivière, devant la huche à pétrir, pour ne pas sombrer dans le trou béant d’une peur sournoise,
    «Mère», s’étrangla-t-elle en un violent sanglot, inondant les draps rêches de son lit solitaire.
    Elle se moucha bruyamment dans un des beaux mouchoirs qu’elle avait brodés pour son trousseau. Les larmes coulaient encore lorsque, d’épuisement, elle s’endormit.

    *****
    Comme il était encore tôt pour se mettre au lit, Alexandre était retourné dans la grande salle de l’hôtel où semblait régner une joyeuse ambiance. Peut-être qu’un bon whisky lui ferait oublier la saveur des lèvres qu’il venait d’embrasser?
    Il s’installa dans un petit cabinet attenant { la grande salle réservé aux messieurs, où étaient disposés quelques fauteuils confortables. La journée avait été éprouvante. Il entreprit la lecture d’une des gazettes posées sur une table basse. Mais ni les débats de la Chambre ni les dernières nouvelles d’Europe relatées dans la Gazette de Montréal n’arrivaient {
    le distraire.
    Depuis qu’il avait accepté ce mariage, quelque chose en lui avait changé. En réalité, le lendemain de la fête des Rois, sa vie avait été irrémédiablement bouleversée. La décision de se remarier, l’attente de la dispense de l’évêque qui était finalement arrivée le 10 février, presque un mois plus tard, suivie rapidement d’un rendez-vous chez le notaire pour arriver à ce 16 février 1803, jour où lui, le docteur Alexandre Talham, épousait la jeune et jolie Marguerite Lareau.
    Alexandre avait choisi de ne pas s’imposer { sa nouvelle épouse dès le premier soir. Il préférait ne pas la brusquer, se rappelant les premiers jours de sa vie commune avec Appoline. La gêne de la jeune épousée et son désir impé-
    tueux de nouveau marié avaient fait de lui un époux maladroit. L’ignorance des joies de l’amour avait laissé une empreinte indélébile et leurs relations intimes étaient restées marquées par cette gaucherie des premiers jours.
    Appoline, pourtant, ne s’était jamais plainte. Ce n’était que longtemps après sa disparition, lorsqu’il avait repris goût {
    la vie et désiré d’autres femmes, qu’il avait su apprécier la joute amoureuse. Il était resté plusieurs années chaste et fidèle au souvenir d’Appoline. Puis un jour, c’était { Belceil, un soir d’hiver, il avait cédé aux charmes d’une fille de basse extraction. Par la suite, il y avait eu de ses rares passades avec des femmes du monde, mais toujours loin de Chambly.
    A Montréal, il avait fréquenté une jolie veuve, indépendante de fortune, une perle rare de la société montréalaise, qui lui avait fait connaître tous les délices des jeux de l’amour.
    Avec Marguerite, il s’était promis d’être patient, désirant réparer les erreurs du passé. Le temps était un grand bâtisseur. « Pour être honnête, se dit-il en prenant une gorgée de l’excellent whisky, je commence { croire en ma bonne étoile. Elle est jolie et charmante, assez jeune pour que je puisse parfaire son éducation. Il était temps ! Je devrais remercier Boileau. Mais ce diable d’ami n’aura jamais droit à cet aveu, pensa-t-il en ressentant encore le piège qui s’était refermé sur lui. »
    Certes, il ne croyait pas être amoureux. Mais la caresse qu’il avait laissée sur cette jolie bouche, ce regard { la fois effarouché et implorant, cette radieuse chevelure dans laquelle il rêvait
    de plonger
    ses doigts, toute
    cette
    beauté,
    à la fois angélique et farouche, indéniablement, le tenaillait, l’ensorcelait. Il replongea dans son journal.
    Une voix railleuse vint rapidement le distraire de sa lecture.
    — N’est-ce pas l’excellent docteur Talham ? J’ai appris que vous faisiez un séjour à Montréal. Sans me prévenir?
    Cela ne vous ressemble guère, Alexandre.
    Talham laissa

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