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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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serait-il toujours ainsi ? Mise en appétit par les promenades dans la ville et la longue journée de voyage, elle attaqua sa soupe à l’orge.
    — Prenez votre temps, belle dame, lui conseilla-t-il, nous avons toute la soirée devant nous.
    Cette dernière remarque troubla encore Marguerite.
    Qu’exigerait d’elle le docteur ? Sa mère ne lui avait guère donné de détails ou d’explications sur ce qui l’attendait dans sa vie de femme mariée. Parfois, le soir, venant de la chambre des parents, elle avait entendu des soupirs, des rires étouffés, puis des drôles de grognements.
    Victoire avait tout simplement recommandé à sa fille de plaire à son mari en tout, sans se poser de questions.
    — C’est un docteur, il fera attention { toi, lui avait-elle simplement dit.
    Quelle curieuse réflexion! Marguerite se disait qu’en effet, il était dans la nature des maris de prendre soin de leur femme. Comme la plupart des jeunes filles, Marguerite croyait que l’amour consistait en un gentil mari, une maison au village et une grande tablée d’enfants. L’assaut subi l’automne dernier lui avait placé un enfant dans le ventre.
    Mais l’amour, ça ne pouvait pas être cette chose abjecte qui l’avait rendue si honteuse.
    «Et l’amour?» La question d’Emmélie lui revenait
    { présent { l’esprit. Un souvenir surgit. Il y avait une éternité de cela - c’était ce jour où René lui avait demandé de l’attendre - et l’espace d’un instant, le monde entier s’était effacé. Sur le chemin ensoleillé, il n’y avait plus eu qu’elle et lui. Ce moment avait-il réellement existé? Pourtant, son corps se rappelait exactement le trouble délicieux, la sensation vertigineuse d’un bonheur incommensurable. Était-ce cela, l’amour ? Marguerite tres-saillit.
    — Tu as froid ? demanda son mari. Tu veux ton châle ?

    Tu es fatiguée ?
    — Non, non docteur, fit-elle vivement, profondément troublée par ces premiers tutoiements.
    — Au diable le docteur, la reprit-il gentiment. Il faut désormais m’appeler Alexandre, puisque c’est mon prénom et que je suis ton mari.
    Pour l’instant, Marguerite se sentait incapable de répondre aux vœux de son mari.
    — Pour moi, vous êtes le docteur Talham, celui qui a soigné la rougeole de Marie.
    Alexandre la regarda avec attendrissement. Il sémblait la comprendre.
    — Il faudra essayer de nouveau, chère petite, tout comme il te faudra apprendre { me tutoyer, comme il est d’usage entre un mari et sa femme. Mais tu as tout le temps d’y arriver. Dis-moi plutôt ce que tu penses de mon vieil ami monsieur Papineau.
    Marguerite lui sut gré de ne pas insister sur les choses intimes en changeant de conversation.
    — Il a l’air d’un homme très important.
    — Oui, c’est vrai. Il est notaire, arpenteur et député à la Chambre d’assemblée du Bas-Canada. Les Sulpiciens, qui sont les seigneurs de l’île de Montréal, le tiennent en haute estime. Il est leur principal procureur, ce qui est un grand honneur. C’est quelqu’un qu’on écoute, car il prend son temps avant de donner un avis.
    Tout au long de ce repas en commun, premières bribes de leur vie conjugale, Talham entretint habilement la conversation, invitant sa jeune épouse à livrer ses impressions sur le voyage, sur Montréal et les gens qu’ils avaient croisés, pendant qu’on leur servait le souper. L’entrée de bœuf { la mode fut suivie d’un pâté de mouton accompagné d’une sauce aux huîtres bien chaude. La salle était bruyante et pleine de musique. Le petit orchestre joua plusieurs pièces que Marguerite trouva fort belles. Lorsque les musiciens attaquèrent un menuet, plusieurs couples se levèrent pour danser.
    Elle reconnut l’air. Dans les soirées, { la campagne, on dansait souvent le menuet au son du violon.
    Marguerite admira les dames qui portaient des robes soyeuses faites de tissus légers et colorés. Les tailles hautes et souples étaient marquées par un ruban qu’on tirait sous les seins, comme le voulait la dernière mode. De petites manches bouffantes - très jolies, nota-t-elle - entouraient l’épaule avant de devenir plus étroites et d’épouser le bras.
    Les décolletés dévoilaient les gorges - un peu plus profondément qu’elle n’avait osé le faire en confectionnant sa belle robe - ornées d’une croix ou d’un pendentif ovale, retenu par un ruban. Jetées négligemment sur une épaule ou un avant-bras, de belles écharpes

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