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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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tomber son journal. Une femme d’environ trente-cinq ans le dévisageait, l’air moqueur, lui tendant une main blanche délicatement recouverte d’une mitaine de dentelle noire. D’une torsade de cheveux blonds s’échappaient de ravissants rouleaux qui entouraient un beau visage illuminé par des yeux bleu violet. L’autre main tenait gracieusement un éventail ouvert, cachant à peine une gorge blanche et tentante. Sur sa robe jaune moirée, elle faisait glisser une écharpe brodée de motifs orientaux. Il s’inclina, admirant le médaillon d’or qui attirait le regard vers le décolleté parfait.
    Une seule femme à sa connaissance pouvait ainsi, braver l’interdit de ce salon réservé { la clientèle masculine.
    — Madame de Beaumont ! fit le docteur, faussement réjoui par l’apparition.
    — Alexandre, mon cher, tu as enfin laissé ton horrible campagne et tes malades ! s’exclama la dame. Mais que fais-tu ici, chez Dillon, alors que tu pourrais jouir d’un logement autrement plus chaleureux ?
    — Eh bien, ma chère, je suis venu à Montréal pour l’agrément en premier lieu, mais aussi pour affaires. Mes malades ont besoin que je me procure ce qu’il faut d’instruments et de remèdes.
    — Pour l’agrément, dis-tu? Dois-je comprendre que nous sommes fâchés ? As-tu oublié l’épaule accueillante de ta chère Lisette et ses douces mains de consolatrice ?
    Le ton de madame de Beaumont baissait à mesure qu’elle parlait.
    — Je ne peux croire qu’on vous ait laissée seule dans cet endroit, chère Lisette, badina-t-il à son tour.
    Talham regarda cette femme sensuelle qui l’avait si souvent accueilli dans son lit. Madame de Beaumont menait ses affaires tambour battant, traitant avec les marchands et les notaires comme le faisait autrefois son défunt mari de qui elle avait repris le commerce de fourrure. Alexandre l’avait rencontrée deux ans après la mort de sa femme, un soir comme celui-ci, pendant un de ses courts séjours à Montréal, lorsqu’il venait faire des achats pour son apothicairerie, renouant avec l’atmosphère fiévreuse d’une ville
    - quoique la petite ville coloniale avait encore tout à envier aux grandes villes européennes, et même, à certaines autres des Etats-Unis.
    Entre elle et lui, rien n’avait jamais été sérieux sinon le plaisir de la rencontre, du jeu amoureux d’égal { égal.
    D’ailleurs, Talham n’ignorait pas que la dame admettait d’autres hommes de son choix dans son intimité. Mais elle était d’une discrétion exemplaire et jamais, chez elle, l’amant du jour n’avait la désagréable surprise de la rencontre malencontreuse d’un autre de ses amis. C’était une courtisane accomplie.
    — Cher Alexandre, je suis pourtant très seule depuis votre dernier séjour.
    — A d’autres, madame, répondit Talham qui n’était pas dupe de cette fausse solitude.
    Elle le scruta attentivement, notant que sa présence l’embarrassait.
    — Je remarque que tu n’as pas l’air heureux de me revoir, fit-elle, l’air déçu, en prenant un siège puisqu’il ne l’invitait pas à le faire.
    Madame de Beaumont se rapprocha subrepticement du fauteuil occupé par le docteur.
    — Il n’y a jamais eu de promesse entre nous, ce me semble. Notre dernière rencontre remonte à plusieurs mois déjà.
    — Bien sûr. Etre veuve comporte de nombreux avantages dont je ne veux pas me priver. Je prends toutes mes décisions moi-même. Je ne serai jamais plus sous la tutelle d’un père ou d’un mari, fit l’insolente. C’est ce que j’aime de toi. Tu es aussi heureux que moi d’être veuf.
    Talham ne répondit pas, sachant que Lisette disait la vérité. Il avait souvent apprécié la liberté qu’offrait le célibat. Mais désormais, il y avait Marguerite. A cette pensée, une bouffée de tendresse l’envahit et il souhaita que madame de Beaumont disparaisse.
    — Je viens de me marier, lui annonça-t-il d’un trait sec.
    — Quoi ? Je ne peux y croire ! s’exclama la dame.
    Un peu plus et elle avait l’air dégoûté. Elle eut un éclat de rire qui sonnait faux. « Est-ce un événement récent ? »
    — On ne peut plus. Mon mariage a eu lieu ce matin.
    — Ce matin ? Serait-ce une dame de Montréal ? supputa-t-elle.

    Non, impossible, je l’aurais su. Il y aurait eu une rumeur, une annonce au prône paroissial. Mais alors, que fais-tu ici, seul, à siroter un whisky? Aurais-tu besoin de courage pour affronter la nouvelle madame

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