Marie Leszczynska
pour instructions au marquis de Monti « d’être extrêmement attentif à ne rien laisser pénétrer d’avance à personne des ordres que Sa Majesté lui donne par rapport au roi Stanislas. Tout le monde est persuadé qu’elle portera ce prince ; mais il y a bien de la différence entre laisser subsister des opinions que l’on ne pourrait pas détruire ou les confirmer par un aveu formel ».
L’Autriche à soixante lieues de Paris ?
Obéissant aux ordres du roi, Fleury accepte de soutenir la candidature de Stanislas au trône de Pologne, mais sans la moindre conviction. Pour le cardinal, la succession polonaise n’a aucune importance ; ce qui le préoccupe, c’est le prochain mariage de l’archiduchesse d’Autriche Marie-Thérèse de Habsbourg
avec François-Étienne
de Lorraine. Ce dernier vit à Vienne depuis 1723, mais il est devenu duc de Lorraine en 1729 à la mort de son père Léopold I er . Il a pris le nom de François III et confié la régence des duchés à sa mère, la duchesse douairière Élisabeth-Charlotte
. En cette année 1733, le fiancé de Marie-Thérèse
représente une grave menace pour la France, d’autant qu’il vient d’être nommé vice-roi de Hongrie et que la rumeur en fait le successeur de Charles VI [2] sur le trône impérial germanique. Dans ce cas, la véritable frontière autrichienne ne serait plus qu’à soixante lieues de Paris !
Pour le cardinal, les avatars du trône polonais sont malvenus, alors qu’il tente de juguler la politique d’expansion des Habsbourg par une série de négociations diplomatiques. Ces échanges discrets, voire secrets, retardent le départ du père de la reine jusqu’au mois d’août. Stanislas s’impatiente et Marie partage son agacement, car le père et la fille ignorent tout de ces contacts confidentiels. Furieuse, la reine est convaincue que Fleury veut délibérément compromettre les chances de son père.
Finalement, Stanislas quitte Chambord, le 19 août 1733. Avant de courir embrasser ses petits-enfants à Meudon, il passe deux jours à Versailles où Marie s’entretient longuement avec lui, le visage grave et les yeux gonflés. L’avocat Barbier, toujours au courant des moindres incidents de la cour, révèle la cause de ce chagrin : « Dimanche 16, le roi est parti de Compiègne, et au lieu d’aller voir la reine, après deux mois d’absence, il va passer trois jours à Chantilly, chez Monsieur le Duc [3] ». Villars, lui, révèle que Louis XV « n’est revenu à Versailles que le 19 août et dès le 20 au soir, il a été coucher à la Muette [4] . La reine en a été assez piquée, et m’a fait part de son chagrin ». Marie confie ses peines à son père, espérant en retour des paroles apaisantes. Déception : en guise de réconfort, il lui rappelle que si le propre des reines est d’être trompées, elles détiennent en revanche le pouvoir extraordinaire de donner chair à la dignité de la couronne !
Le lendemain, Stanislas reçoit les ultimes recommandations de Louis XV et de Fleury. À cette occasion, le beau-père demande à son gendre de veiller sur les siens en son absence. Supplique lourde de sous-entendus, pour le père comme pour l’époux…
Vingt-deux jours sur le trône de Pologne…
Le 26 août, un sosie de Stanislas s’embarque sur un navire de guerre à Brest. Direction Varsovie, via Dantzig. Aussitôt informée du départ de « Stanislas » pour la Pologne, la Russie met sa flotte de la Baltique en alerte et se prépare à l’intercepter, bien décidée à ne pas laisser la moindre chance au candidat de la France. Dans le même temps, une berline anonyme roule à vive allure vers Varsovie. À l’intérieur, méconnaissable sous une perruque brune et un habit de laine grossière, Stanislas joue avec allégresse le rôle de commis d’un commerçant allemand… Au soir du 8 septembre, il entre dans la capitale polonaise et rejoint l’ambassade de France sans encombre. Ses rivaux sont pris de vitesse. Le 12 septembre, il est élu – ou plutôt réélu – roi de Pologne et grand-duc de Lituanie.
À Versailles, Marie, rongée d’inquiétude, attend des nouvelles. Elle est accompagnée de Catherine Opalinska qui n’a pas voulu rester seule à Chambord. Le courrier de Monti annonçant l’élection du roi de Pologne arrive au château dans la soirée du 20 septembre. D’après Barbier, « il est descendu chez le garde des Sceaux qui était encore à
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