Marie Leszczynska
table ; ils ont été chez le cardinal qui se couchait, et ensuite chez le roi qui était déjà retiré. Celui-ci, après avoir ouvert le paquet, s’est jeté au cou de la reine, laquelle l’a embrassé aussi de son côté avec des démonstrations de joie parfaites. Après quoi la reine a été rendre grâce à Dieu dans la chapelle ».
Pendant que Marie et sa mère savourent la victoire, la situation se complique déjà à Varsovie. L’or saxon incite les plus corruptibles des Polonais à passer à l’ennemi et d’autres réclament l’aide de la Russie. Ils sont entendus par la tsarine Anna Ivanovna qui lance aussitôt une armée de trente mille hommes sur Varsovie. Stanislas ne semble pas vouloir se défendre. L’homme paraît dépassé par les événements ; même ses vieux amis ne retrouvent rien de l’ardeur et de l’enthousiasme qui l’habitaient lors de sa première élection. Sans opposition, les Russes passent la Vistule et pénètrent dans Varsovie où la population s’affole.
Le 20 septembre, Monti écrit à Louis XV : « La plupart des femmes de condition se retirent dans l’intérieur du royaume ; les autres vont à Dantzig [5] . On démeuble partout et la terreur est répandue. […] C’est un royaume désolé et désert. […] Une guerre des plus cruelles se prépare [6] . » L’aide française ne pouvant arriver que par la Baltique, Stanislas et ses proches préfèrent se replier dans la cité hanséatique de Dantzig pour attendre l’arrivée du navire français qui transporte le sosie du roi et son escorte.
Le 5 octobre, Frédéric-Auguste est élu roi de Pologne par cinq mille dissidents placés sous la protection d’une avant-garde russe. Stanislas ne le sait pas encore, mais son épopée polonaise est terminée. Curieusement, il semble plutôt serein, à en juger par les lettres qu’il adresse à Marie et à ses petits-enfants : « Je vous félicite, mes chers coeurs, d’être ensemble, comme vous me le mandez, et sur ce que vous avez dîné chez maman. Peut-être aurai-je consenti à jeûner une année entière au pain et à l’eau pour être de cette partie… »
À Dantzig, les jours passent dans l’attente de l’escadre française. Mais elle n’arrivera jamais ! Le 20 septembre, elle a jeté l’ancre dans le port de Copenhague pour débarquer le sosie de Stanislas ; puis, obéissant aux ordres de Fleury, les navires ont aussitôt remis le cap sur Brest.
Stanislas devient un prétexte
Pendant ce temps, le cardinal travaille en coulisse. Le sort du père de la reine ne le préoccupe guère mais, finalement, cette affaire de trône de Pologne usurpé sert magnifiquement ses projets : il dispose désormais d’un excellent prétexte pour attaquer l’empereur Charles VI, allié direct de la Russie. Le 10 octobre 1733, Louis XV peut enfin lui déclarer la guerre : « L’injure qu’il venait de lui faire en la personne du roi de Pologne, son beau-père, intéressait trop Sa Majesté et la gloire de sa couronne pour ne pas employer les forces que Dieu lui avait confiées à en tirer une juste vengeance. »
Marie s’angoisse des conséquences démesurées de cette banale affaire de succession de Pologne. Quelques jours après la déclaration de guerre, elle écrit à Fleury : « Je suis bien fâchée de ces vilains bruits de guerre ; elle m’aurait toujours fait de la peine, mais je vous avoue, mon cher Cardinal, que celle-ci m’en fait encore davantage, quand j’imagine que j’en suis cause, quoique, à la vérité, innocente. »
Pendant ce temps, Stanislas et ses derniers partisans sont toujours cloîtrés à Dantzig. Sans nouvelles de son gendre ou de Fleury, Stanislas se tourne vers Marie qui devient son ambassadrice officieuse à Versailles. Ils échangent ainsi une centaine de lettres, dont certaines utilisent un langage codé qui amuse beaucoup les hommes du « cabinet noir » du roi, tant il est candide. Par exemple, Monsieur de la Roche est le cardinal de Fleury, Monsieur de la Chauve signifie Chauvelin et Monsieur Rydzinski désigne Stanislas lui-même. Le 23 décembre 1733, il écrit à Marie : « Je voudrais savoir à mon tour quel moyen on donnera à Monsieur Rydzinski pour qu’il puisse rester sur son fumier, si aucun de ses amis ne vient à son secours. »
À Dantzig, la situation empire car les Russes décident d’assiéger la ville pour s’emparer de Stanislas. Mais il continue d’adresser des lettres
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