Marie
en se
cramponnant à sa tunique, tandis que Yakov, l’aîné, tenait fermement ses cadets
et contemplait Miryem avec de grands yeux. Brisé par un sanglot qui l’étouffa,
Yossef s’accroupit, la tête entre les bras.
Zacharias
posa une main sur son épaule et se tourna vers Miryem.
— Tes
mots n’ont pas de sens, ma fille. Yhwh sait ce qu’il fait, déclara-t-il sans
masquer le blâme qui durcissait son ton. Il juge, Il prend, Il donne. Il est le
Tout-Puissant, Créateur de toute chose. Nous, nous devons obéir.
Miryem
sembla ne pas l’entendre.
— Où
est-elle ? Où est Halva ?
— Près
de ta mère, murmura Joachim. Presque dans la même terre.
*
* *
Quand
Miryem s’élança vers le cimetière de Nazareth, ils hésitèrent à la suivre. Les
traits tirés par le chagrin, Yossef la regarda disparaître dans l’ombre du
sentier. Sans un mot, il alla se cloîtrer dans son atelier. Au même instant, Elichéba
poussa les enfants dans la maison en tentant de calmer le petit Yehuda.
Finalement,
Joachim n’y tint pas. Il suivit sa fille à bonne distance, entraînant les
autres. Mais, à l’entrée du cimetière, Ruth posa la main sur le poignet de
Mariamne pour la retenir. Rekab s’arrêta derrière elles, tandis que Zacharias
s’avançait d’autorité derrière Joachim. Cependant, eux aussi s’immobilisèrent à
une dizaine de pas de la terre meuble qui recouvrait Hannah et Halva.
Jusqu’au
crépuscule, Miryem demeura au cimetière. Selon la tradition, celui qui venait
s’incliner sur une tombe y déposait un caillou blanc en signe de son passage.
Cependant, Miryem, inlassablement, allait les puiser par dizaines dans le sac
rangé à cet effet à quelques pas. Elle en recouvrait la tombe. Peu à peu
celle-ci devint d’une blancheur aveuglante sous le soleil d’hiver. Quand elle
n’en avait plus, elle retournait vers le sac et recommençait son manège.
Une fois
encore, Zacharias voulut protester. D’un regard, Joachim l’en empêcha. Zacharias
soupira en secouant la tête.
Durant
tout ce temps, Miryem ne cessait de parler. Ses lèvres bougeaient sans que nul
n’entende un mot. Plus tard, Ruth leur dit que Miryem ne parlait pas
véritablement. Il en avait été de même sur la tombe d’Abdias, à Beth Zabdaï,
raconta-t-elle.
— C’est
sa manière à elle de converser avec les défunts. Nous autres, nous n’en sommes
pas capables.
Lançant un
regard vers Zacharias qui roulait des yeux offusqués, elle ajouta avec un peu
d’humeur :
— À
Beth Zabdaï, le maître Joseph d’Arimathie ne s’en est jamais étonné et ne le
lui a jamais reproché. Pas plus qu’il ne l’a déclarée folle. Et pour ce qui
tient de la folie, il en a vu des vertes et des pas mûres. S’il en est un qui
s’y connaît en maladies, de l’esprit comme du corps, c’est bien lui ! Je
peux même certifier que, s’il y a une femme qu’il admire, qu’il juge l’égale
d’un homme malgré sa jeunesse, c’est Miryem. Il l’a assez répété aux frères de
la maison qui s’étonnaient, comme toi, Zacharias : elle est différente des
autres, disait-il, et il ne faut pas s’attendre à ce qu’elle fasse comme tout
le monde.
— Elle
a raison de se révolter devant tant de morts, ajouta Mariamne avec douceur.
Depuis Abdias, elle a subi trop de deuils ! Elle et vous tous. Je ne sais
que dire pour vous consoler.
Mais à
leur surprise, ce soir-là, au retour à la maison de Yossef, Miryem parut calme
et apaisée. Elle annonça à Joachim :
— J’ai
prié ma mère de me pardonner tous les chagrins que je lui ai causés. Je sais
que je lui ai manqué et qu’elle aurait voulu que je reste près d’elle. Je lui
ai expliqué pourquoi je n’avais pu lui accorder ce bonheur. Peut-être bien que
là où elle est, sous l’aile éternelle du Tout-Puissant, elle comprendra.
— Tu
n’as rien à te reprocher, ma fille, protesta Joachim, les yeux brillants
d’émotion. Rien n’est de ta faute, mais bien plus de la mienne. Si j’avais su
me contenir, si je n’avais pas commis la folie de tuer un mercenaire et de
blesser un percepteur, ta mère serait parmi nous, bien vivante. Notre existence
ne ressemblerait pas à celle-ci.
Miryem lui
caressa la barbe et l’embrassa.
— Si
je n’ai rien à me reprocher, alors tu es encore plus pur que moi, assura-t-elle
tendrement. Tu as toujours agi au nom de la justice, ce jour-là comme tous les
autres jours de ta vie.
A nouveau,
ils
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