Marilyn, le dernier secret
de « vitamines » censé procurer à Marilyn l'énergie nécessaire pour tourner.
À Hollywood, le cocktail avait hérité d'un surnom significatif : hot shot , en référence à la bouffée de chaleur qui accompagnait systématiquement son absorption. Car ces différentes substances n'étaient pas les seules prescrites : en plus de quelques vitamines, la mixture contenait aussi du glucose pour son effet coup de fouet et des amphétamines pour garantir une présence prolongée devant les caméras. À un dosage tellement puissant que le médecin se voyait contraint d'en atténuer les effets avec du Librium, un sédatif connu pour ses capacités calmantes [3] .
Parce qu'il désirait accélérer le retour de Marilyn au travail et respecter les instructions du studio qui avait prévu la sortie du film en avril 1954, le médecin venait tout simplement d'inaugurer pour elle onze années de dépendance. Plus d'une décennie à multiplier les ordonnances et à ruser pour diversifier les réseaux d'approvisionnement. Plus d'une décennie à vivre, aussi, dans la crainte du manque, incitant la star à prendre l'habitude de cacher un peu partout des stocks de pilules abrutissantes. Droguée et accro.
*
Les coulisses de l'usine à rêves ne se visitaient pas. Et pour cause, le spectacle y était peu ragoûtant. L'argent généré par le septième art avait tout changé. Et, depuis le milieu de la Seconde Guerre mondiale, Los Angeles ne vivait plus que par et pour la volonté d'une poignée de producteurs influents. Dont les désirs étaient des ordres, même les pires.
Corruption, chantages sexuels, meurtres camouflés en accident, pédophilie, crime organisé, photos compromettantes, bastonnades, viols en groupe, la liste des turpitudes organisées, tolérées ou étouffées par les studios ne cessait de s'allonger [4] .
Et la prescription, parfois forcée, de « médicaments » explosifs aux stars relevait, finalement, du dégât collatéral.
Mais la consommation de pilules « magiques » devint si courue que la chimie parut à beaucoup la solution miracle de n'importe quel problème. Tyrone Power ne pouvait plus enfiler son costume de Zorro ? Une cure d'amphétamines lui permit de perdre rapidement du poids et de se glisser dans son seyant habit noir. Et beaucoup d'autres se virent assujettis à ces traitements dangereux…
Le véritable héros, inconnu, d'Hollywood, n'était autre que l'homme en blouse blanche. Celui qui avait toujours une seringue à disposition pour bien commencer la journée et un tube de pilules pour mieux la terminer.
*
L'erreur consistait à croire qu'en 1964 cette dérive relevait du passé. Or, le dopage était l'activité la mieux partagée de la ville.
Toléré par une police complaisante, il était ordonné par les studios. Une vérité, qu'en fin de carrière, Lee Siegel lui-même avait admise : « D'abord, il faut se souvenir qu'à l'époque, l'administration de somnifères, d'analgésiques et d'amphétamines était un acte routinier. La même chose se passait à la Metro-Goldwyn-Mayer et à la Paramount. Et c'était comme cela depuis des décennies. À cette période, les pilules étaient simplement considérées comme un autre moyen de s'assurer que les stars continuaient à travailler [5] . »
Si, dans les premiers temps, cette réalité peu reluisante avait posé au médecin un cas de conscience, il s'était rapidement retrouvé confronté à l'amère réalité. Et aux exigences des pontes du septième art. « Nous étions, en tant que docteurs, prisonniers de ce système. Si l'un d'entre nous refusait de prescrire un produit, et bien un autre le faisait. Lorsque j'ai commencé à suivre Marilyn au milieu des années cinquante, tout le monde à Hollywood utilisait ces drogues [6] . »
*
La dépendance de Marilyn sauta aux yeux de beaucoup durant le tournage de The Misfists . Il est vrai que le film de John Huston résumait avec cruauté tous les échecs de la star, tant ses désirs de maternité inassouvis, ses rêves d'actrice respectable jamais concrétisés, que sa vie amoureuse. S'en est-elle rendu compte ? En tout cas avant de rejoindre l'équipe dans le Nevada, Monroe avait tenté de noyer sa dépression dans l'alcool et l'excès de nourriture italienne. Un régime qui ne risquait pas de l'aider à pouvoir tourner.
Le calendrier du film ayant déjà été repoussé de plusieurs semaines, United Artists, le studio qui produisait le long-métrage, demanda
Weitere Kostenlose Bücher