Marilyn, le dernier secret
monstre.
Puisque les résultats de l'autopsie de Marilyn constituaient la clé de voûte sur laquelle reposait l'édifice, toute personne désireuse de réécrire l'histoire ou, plus simplement, de savoir la vérité, devait l'ausculter de près, voire la mettre à terre. Mais était-ce possible ?
1 -
Statement by Theodore J. Curphey, op. cit .
45. Autopsie
En 1962, Thomas Noguchi n'était pas encore devenu le médecin légiste des morts célèbres. Et ses plongées – légales – dans les entrailles de Robert F. Kennedy, Sharon Tate, Janis Joplin, William Holden, Natalie Wood et John Belushi surviendraient plus tard [1] .
Mais n'anticipons pas. Car c'est assurément son œuvre dans le dossier Marilyn qui lui a ouvert le chemin d'une certaine célébrité.
*
Le dimanche 5 août 1962, Thomas Noguchi travaillait depuis deux ans pour le bureau du Los Angeles County Coroner. Or, ce matin-là, le coup de téléphone de Theodore Curphey avait suscité chez lui plus de questions que d'excitation réelle. Car son patron venait de lui confier la prise en charge d'un cas dont lui-même devinait d'emblée qu'il le placerait sur la sellette.
Après tout, on pouvait avoir émigré du Japon une décennie plus tôt et comprendre sur-le-champ l'enjeu qu'impliquait la responsabilité d'autopsier une déesse.
*
Cela lui parut sur le coup tellement irréel que Noguchi douta jusqu'au bout de l'identité de la dépouille confiée. Après tout, la Marilyn Monroe qu'il devait examiner était peut-être une homonyme ?
Mais le corps allongé sur le métal de la table numéro 1 l'avait rapidement rappelé à la réalité. Et, parce que pour la première fois de sa carrière il venait d'être submergé par l'émotion, le médecin s'efforça de repenser aux raisons ayant poussé son supérieur à le choisir, lui.
Il n'était pas le plus expérimenté du service mais il s'y était peu à peu imposé comme le spécialiste des cas scientifiquement complexes. De plus, certifié à la fois en pathologie clinique et anatomique, Noguchi était le seul membre de l'équipe de Curphey doté d'un solide bagage universitaire. À la même époque, il était aussi professeur-assistant en pathologie à l'école de médecine de l'université de Loma Linda [2] .
Son choix comme responsable de l'autopsie de l'actrice la plus mythique d'Hollywood ne constituait pas le seul indice de l'importance accordée à la procédure. En effet, on ne l'avait pas laissé opérer seul, puisque le District Attorney de Los Angeles avait envoyé John Miner, un de ses assistants, superviser son travail.
Il était neuf heures trente, ce 5 août 1962, quand Thomas Noguchi, le scalpel à la main, s'apprêta à se pencher sur le cadavre le plus célèbre de la planète.
*
Avant d'enfiler sa blouse blanche, le médecin avait parcouru le dossier accompagnant la « livraison » du matin.
Le corps appartenait à une « femme de type caucasien, yeux bleus, un mètre soixante-quatre, cinquante-deux kilos. Le Dr Engelberg avait constaté son décès. De nombreux flacons de médicaments avaient été retrouvés sur sa table de nuit, parmi lesquels un de Nembutal, entièrement vide, un somnifère, et un autre, partiellement vide, d'un autre somnifère, l'hydrate de chloral [3] .
Le rapport se terminait par des pages rassemblant des « informations complémentaires », comme, par exemple, l'adresse de la victime.
Noguchi y apprit également que, le vendredi 3 août, le docteur Engelberg avait prescrit à la star une ordonnance de Nembutal.
Le médecin légiste n'avait pas encore examiné le cadavre que, déjà, se dessinait clairement ce qui devait être la raison du décès. Ce qu'il confirmera lui-même plus tard : « Vendredi, la femme avait acheté cinquante pilules de Nembutal et, le jour d'après, le même flacon avait été retrouvé vide à côté de son lit. Un classique suicide, pensais-je [4] . »
Mais cela ne signifiait en rien que Noguchi avait décidé de bâcler l'affaire.
Au contraire même. Parce qu'il estimait que, dans le pays, au moins vingt pour cent des autopsies prouvaient que les conclusions préliminaires de l'enquête étaient fausses et parce qu'il savait, « par expérience, que la procédure produisait souvent des surprises [5] , sa conscience professionnelle ne devait rien négliger
N'était-ce d'ailleurs pas pour cela que le docteur Theodore Curphey avait fait appel à lui ?
*
La fine lame du scalpel devrait
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