Marilyn, le dernier secret
conclusion de l'ambulancier ne manquait pas de force : « Si ce personnage, qui s'était présenté comme son médecin, était arrivé une minute plus tard, nous aurions déjà atteint l'hôpital avec Marilyn. Nous l'aurions sauvée [4] . »
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La plus élémentaire prudence obligeait à lire ces propos avec circonspection.
D'abord, en songeant au contexte. Pourquoi, en pleine année commémorative, Hall avait-il bénéficié de ce soudain et très ciblé retour de mémoire ? Le confortable chèque que le journal lui accordait n'y était-il pas pour beaucoup ? Autre élément propice au doute, le fait que Globe , un tabloïd hebdomadaire vendu aux caisses des supermarchés, ne représentait pas la garantie d'un journalisme de haute volée.
En fait, c'était le fond même de ce témoignage qui posait problème.
Primo , parce que Murray Leibowitz, l'autre ambulancier, niait de son côté s'être rendu au domicile de Marilyn Monroe. Secundo , parce qu'il n'existait pas la moindre trace écrite de l'intervention alors que, en accord avec la loi de l'État de Californie, c'était obligatoire. Tertio , une déclaration du propriétaire de la compagnie d'ambulances pour lequel travaillait Hall, lequel allait jusqu'à contester que ce dernier ait été l'un de ses employés en août 1962 ! Enfin, Hall décrivait une procédure qui aurait dû laisser des traces sur le cadavre de l'actrice. Or, la dépouille n'en présentait aucune.
Les gestes qu'il prêtait au docteur Greenson auraient en effet laissé des traces – une marque visible de piqûre sur la cage thoracique, puis d'autres sur le cœur – que Noguchi ne décela pas. Et même en cas de ratage complet de la manipulation, le légiste aurait dû noter la présence de sang dans les zones cardiaque et pulmonaire. Sans oublier la côte fracturée sur le côté gauche, que Noguchi aurait dû confirmer lors de la palpation du cadavre, puis de l'autopsie elle-même.
Mais bon, l'interview sortit en 1982, à une époque où les mémoires de Thomas Noguchi n'avaient pas été encore publiés et où son rapport d'autopsie, en ces temps d'avant Internet, ne circulait pas largement. Aussi, sans dédouaner complètement Globe et sa parfois peu scrupuleuse chasse aux scoops , il était possible d'accorder des circonstances atténuantes à l'hebdomadaire. En revanche, faire preuve de la même clémence devenait difficile lorsqu'on vit réapparaître l'histoire de James Hall en 1998.
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« Ce livre est un ensemble de rumeurs réchauffées, d'inventions pures et simples, d'insinuations non prouvées, le tout présenté comme s'il s'agissait de faits et vendu sous une belle couverture [5] . »
La colère de David Marshall, bien que s'exprimant de manière modérée, n'était pas feinte. La cible du courroux de cet expert ? Don Wolfe et son ouvrage, The Last Days of Marilyn Monroe , ouvrage publié cette année-là en France et ayant rencontré un vif succès médiatique et public.
Si, à l'époque, j'avais affiché une certaine retenue lorsqu'on m'avait interrogé sur ce travail, la même mansuétude n'est plus de mise aujourd'hui. Et le cas James Hall illustre parfaitement l'obligation de ne pas laisser dire n'importe quoi. Car l'auteur américain se servait à plusieurs reprises du témoignage de l'ancien ambulancier pour appuyer sa thèse et l'enrichissait de détails nouveaux issus d'une série d'entretiens avec Hall. Lesquels versaient dans la surenchère.
Ainsi, épousant la thèse défendue par Wolfe, Hall précisait désormais que Peter Lawford, le beau-frère de John et Robert Kennedy, avait assisté à l'intervention ratée du docteur Greenson, sa présence dans la villa de Marilyn lors de l'agonie étant largement exploitée pour étayer la responsabilité de RFK dans la disparition de la star. Et cette nouveauté, Wolfe la prenait pour argent comptant.
Mieux, l'auteur écartait les éléments décrédibilisant les assertions de James Hall. Et en particulier les souvenirs et le rapport d'autopsie de Thomas Noguchi. Ainsi, c'était seulement dans une note de bas de page que cette question majeure était évacuée : « On peut se demander pourquoi on n'a pas signalé cette entrée d'aiguille à l'autopsie. Il y a plusieurs explications possibles : 1. On ne l'a pas vue ; 2. On l'a vue, mais on ne l'a pas signalée dans le rapport à cause des problèmes qu'elle entraînait ; 3. “L'examen minutieux du corps à la recherche de traces d'aiguille”
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