Marilyn, le dernier secret
avait fourni, sur le sang et le foie, des données de laboratoire qui indiquaient une mort par empoisonnement aux barbituriques, écrit celui-ci. Pourtant le Dr Noguchi avait aussi demandé explicitement des analyses des reins, de l'estomac, de l'urine et des intestins. Un examen des prélèvements aurait révélé la manière dont les barbituriques avaient pénétré dans le corps. Mais le court rapport toxicologique ne mentionnait aucune analyse de ces prélèvements, et ne confirmait donc pas que les barbituriques avaient été ingérés par voie orale. (…) Le Dr Noguchi demanda donc les rapports. (…) C'est alors qu'il eut la surprise de découvrir que les échantillons (…) avaient tous mystérieusement disparu [3] . »
L'accusation ne manquait pas de force. Sans explication logique, les échantillons qui auraient permis d'en finir une fois pour toutes avec l'énigme Marilyn Monroe auraient simplement « mystérieusement disparu » des services du Coroner. Dès lors, envisager des manipulations douteuses semblait naturel, et même salutaire. C'est d'ailleurs pour cela que Don Wolfe insistait sur ce point, livrant au passage une autre « révélation » liée à l'examen médico-légal : « La disparition des échantillons est sans doute le problème le plus grave dans la longue liste d'irrégularités liées à l'autopsie de Marilyn Monroe [4] . »
À en croire l'auteur américain, au-delà de l'étrange « fugue » des organes de l'actrice, c'était donc carrément l'ensemble de la procédure qui multipliait les raccourcis avec la loi.
N'étant pas – Don Wolfe non plus d'ailleurs –, médecin légiste, il m'était difficile de juger de la qualité du travail de Noguchi. Et puis je n'en éprouvais guère la nécessité. Car d'autres, bien plus qualifiés que moi, tel John Miner, assuraient que Noguchi avait scrupuleusement respecté la procédure.
De fait, il était pour le moins hasardeux de ramener les cinq heures d'examens pratiqués par le médecin à « une longue liste d'irrégularités ». Surtout en oubliant de citer lesquelles. Ne nous étendons cependant pas sur cette accusation non étayée, revenons plutôt à la « mystérieuse disparition des échantillons ». Un propos gravissime en vérité, puisque les organes de Marilyn représentaient des pièces à conviction. En conséquence, toute substitution non expliquée jetait l'ombre de doutes majeurs sur l'ensemble de l'enquête.
Restait à remonter à la source de cette assertion sensationnelle.
*
Avant de refermer le cadavre de Marilyn, Thomas Noguchi avait, on s'en souvient, effectué une série de prélèvements destinés à obtenir d'autres informations du laboratoire. Tests, examens complémentaires qui permirent de comprendre que l'actrice était morte à cause d'une overdose de Nembutal et d'hydrate de chloral. Mais – et Noguchi le racontera lui-même, ses consignes n'avaient pas été suivies. « (À la lecture du rapport toxicologique), j'ai immédiatement noté que les techniciens du laboratoire n'avaient pas testé les autres organes que j'avais envoyés, raconta-t-il. Ils avaient seulement examiné le sang et le foie [5] . »
Soit, voilà de quoi étayer les accusations de dissimulation de preuves clameront certains. Pas vraiment, parce que le légiste avait apporté une explication à cette lacune. Une explication passée sous silence. Il confiait ainsi que les taux de Nembutal et d'hydrate de chloral dépassaient largement la dose fatale (on estime que la quantité de barbituriques retrouvés dans l'organisme de l'actrice était capable de terrasser une dizaine de personnes). Ajoutée à la découverte des comprimés sur la table de nuit de Marilyn, cette observation avait indiqué la voie à suivre au laboratoire. « Cette conjonction désignait tellement un suicide que Raymond J. Abernathy, le directeur du service toxicologique, a estimé qu'il n'était pas nécessaire de pousser les tests plus loin [6] . »
Cette explication pouvait décevoir, mais elle montrait assurément la bonne foi du légiste si on songe au contexte. Car en 1962, certains des tests réclamés par Noguchi n'appartenaient pas encore à la procédure. Et l'ampleur des recherches ressortissait à la discrétion du patron du laboratoire, des tests supplémentaires n'étant effectués que si ce dernier les jugeait nécessaires.
Considérant le taux élevé de barbituriques, l'absence de traces de violence, la présence
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