Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
Vom Netzwerk:
et moins chargé d’humidité. Rentré de son travail un peu plus tôt que d’habitude, Bernard décida un soir de faire une promenade dans les bois qui entouraient le parc. Suzanne n’était pas revenue le voir, mais il n’arrivait pas à se défaire de l’espèce d’écœurement qui l’habitait depuis la nuit de la pénitence. Ce n’était pas vraiment du dégoût car, lorsqu’il y songeait, le désir flambait en lui avec une allégresse brutale, mais, aussitôt après, les cendres avaient un arrière-goût d’amertume.  
    La marche le détendait. Malgré l’exotisme de certaines essences, la végétation n’était pas tellement différente de celle de la vallée de la Garonne, mais beaucoup plus luxuriante et avec une plus grande variété d’espèces. Il se laissait aller à la nostalgie quand, au détour du sentier, il découvrit une petite cascade dont l’eau formait, en s’écoulant, une sorte de baignoire naturelle. Flora s’y ébattait à grands éclaboussements. Elle avait laissé sa robe bleu ciel sur la rive, comme une large corolle soyeuse.  
    Pris soudain d’un irrésistible besoin d’eau fraîche sur sa peau, Bernard ôta ses vêtements et sauta dans le minuscule étang. Flora poussa un cri effrayé, puis, le reconnaissant, éclata de rire. Longtemps, ils jouèrent sous la cascade à s’attraper et à s’esquiver. Le corps mouillé de la petite négresse fuyait sous ses mains comme une anguille prise au touc. Mais il retenait chaque fois la forme et la consistance de ce qu’il parvenait à saisir et, peu à peu, le jeu changea de nature. Les deux seins épanouis dans ses paumes, il parvint à affermir sa prise et voulut poser ses lèvres sur la bouche charnue. Flora détourna la tête, mais elle se laissa conduire jusqu’à la pente herbeuse, à la limite de l’eau, et s’étendit, étrangement passive. Il prit son plaisir en quelques secondes sans qu’elle réagît autrement que par des roulements de prunelles. Cela ne ressemblait en rien aux jouissances violentes que Bernard avait éprouvées avec Suzanne, mais la pauvreté, le dénuement même de l’acte avaient quelque chose de purifiant. Comme délivré d’un mauvais charme, il posa un baiser sur la joue de Flora.  
    C’est alors qu’il entendit au-dessus de sa tête une voix familière et redoutée.  
    — Que la racaille jacobine, dit Suzanne Thilonier, s’abaisse à satisfaire ses appétits les plus répugnants sur de la chair d’esclave n’est pas pour me surprendre. Mais toi, Flora, que j’avais instruite du péché, tu es impardonnable. C’est toi qui expieras ces turpitudes !  
    Ignorant Bernard, elle saisit Flora par le bras, la mit brutalement sur ses pieds et lui assena deux gifles à toute volée. Puis, sans la laisser remettre sa robe, elle la poussa, sanglotante et nue, devant elle sur le sentier. Un moment hébété, Bernard se rhabilla et s’en fut en courant jusqu’à sa chambre.  
    Il n’eut aucun écho de l’affaire jusqu’au lendemain, quand il arriva à la plantation. Au bout du débarcadère, était accroupie dans la poussière une petite créature au crâne rasé et au dos labouré par les sillons sanglants des coups de chicote. Elle leva vers lui de grands yeux qu’il reconnut aussitôt.  
    — Monsieur Bé’na ’, je vous demande pa’don. J’au’ais pas dû vous laisser fai’e…  
    Frappé d’horreur, il regardait la pauvre chose qu’était devenue Flora. Il la prit par la main et l’aida à se relever.  
    — Qu’est-ce qu’on t’a fait ?  
    — Mam’zelle Suzanne a dit au maît’que j’avais volé. Il m’a’envoyée à la plantation et on m’a fouettée. C’est ma faute, monsieur Bé’na ’, il faut me pa’donner !  
    — Si quelqu’un doit demander pardon à l’autre, c’est moi ! Tu dis que c’est M. Prunes Duvivier qui t’a fait fouetter ainsi ?  
    — C’est le maît ’, oui, monsieur Bé’na’…  
    Pris de fureur, Bernard fit appeler le mulâtre commandeur du hameau et donna des ordres pour que Flora fût soignée du mieux qu’on pût. Puis il fit interrompre le chargement et mit l’allège en route pour Baltimore.  
    A peine à terre, il se dirigea vers le quartier français et gagna l’hôtel Acadia. Comme il s’y attendait, Claude O’Quin jouait aux cartes dans le salon avec des partenaires dont deux appartenaient manifestement à la jeunesse dorée de Baltimore et dont le quatrième n’était autre que le

Weitere Kostenlose Bücher