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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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moyen de s’enrichir. Crois-moi, si tu veux réussir, garde-toi de mêler les jeux de la chair et de l’esprit aux choses sérieuses, c’est-à-dire à l’argent !  
    — Je ne crois pas que j’aie jamais beaucoup d’argent.  
    O’Quin le considéra d’un air rêveur.  
    — C’est vrai : je ne te vois ni en gentilhomme ni en bourgeois. Peut-être, en effet, appartiens-tu à une nouvelle espèce d’homme dont la réussite ne dépendra ni de la naissance ni de l’argent. Mais son temps n’est pas encore venu !  
    — Croyez-vous que le capitaine Mac Nabb me prendrait à bord de l’ Abigail ?  
    —  Nous allons le lui demander. Il déjeune à l’autre table. Après tout ce que ma science du whist lui a fait gagner ce matin, il n’a rien à me refuser !  

CHAPITRE VII :
BOIS D’ÉBÈNE
    Au large des Bahamas, l’ Abigail fut prise dans la queue d’un ouragan. Un vent de cinquante nœuds la poussait ouest-nord-ouest, presque à sec de toiles, vers la côte de Floride. Pendant trois jours et trois nuits, l’équipage lutta pour la maintenir à la cape devant des creux de trente pieds. Trois hommes furent balayés par des déferlants sans qu’on pût songer à les secourir. Des dizaines d’autres, bras ou jambes cassés, encombraient le poste des malades où le chirurgien yankee faisait de son mieux pour les maintenir arrimés. Bernard, qui trimait à la pompe, vit sous ses yeux un des canots se désintégrer quand un paquet de mer le frappa de plein fouet.  
    Le quatrième jour, au début du quart de l’après-midi, il y eut une légère accalmie. Le porte-voix du capitaine Mac Nabb domina un instant le vacarme :  
    — Pare à virer lof pour lof par tribord !… Pare à larguer les hunes !… A prendre deux ris !… A virer !…  
    Bernard passa le manche de la pompe à un matelot de pont et bondit pour rejoindre son poste à la grande hune. Sam Billings dirigeait la manœuvre à grands coups de gueule. Quand Bernard passa près de lui, il le prit par le bras.  
    — Accroche-toi, matelot ! Le vieux Mac Nabb va tenter de venir debout au vent. Ce ne sera pas la fête, mais c’est la seule chose à faire, sinon, dans moins d’une heure, nous serons à la côte ! Hurry up, now !  
    Mêlé au flot des gabiers qui montaient à l’assaut des haubans, Bernard s’agrippait de son mieux aux cordages sauvagement secoués, tantôt mous, tantôt tendus à se rompre. Quand il atteignit la vergue de grand hunier, il s’y cramponna pour gagner son poste, tandis que d’autres, placés plus loin, lui passaient sur le dos.  
    — Gare au changement de cap ! hurla Sam. Ça va drôlement gîter !  
    Malgré cet avertissement, le coup de barre prit Bernard par surprise. Le navire parut se coucher sur l’eau et le temps s’arrêta tandis que la vergue s’inclinait interminablement jusqu’à effleurer de sa fusée la crête des vagues. Puis lentement, très lentement, la lame qui prenait la coque par le travers lâcha prise et la vergue commença à se redresser vers l’horizontale.  
    — Larguez les hunes !  
    Les doigts s’activèrent sur les ralingues mouillées et raides. Les voiles se déployèrent en un coup de tonnerre, aussitôt gonflées à craquer. Bernard sentit au creux de son estomac la morsure du gouvernail dans l’eau, tandis que le navire prenait de l’erre.  
    — Bordez au plus près ! Brassez serré !  
    Le cliquetis des cabestans l’accueillit sur le pont incliné. Les lames y déferlaient en oblique plus rageusement encore qu’avant, mais l’étrave chevauchait la mer avec plus d’assurance.  
    Mac Nabb courut contre le vent pendant deux jours, jusqu’à être sorti de l’aire de l’ouragan, puis, la mer s’étant calmée, il reprit sa route plein sud. Les gros nuages s’enfuirent au-delà de l’horizon, vers la côte américaine, et le vent tomba.  
    Toute la toile dehors, l’ Abigail ne filait plus que deux ou trois nœuds. Vint un moment où il n’y eut plus de vent du tout. Les voiles fasseyèrent et le navire s’immobilisa sur une mer à peine soulevée par la respiration lente d’une houle assoupie. Bernard avait entendu parler des doldrums, ces zones de calme plat où un navire pouvait rester encalminé des semaines ou des mois. On racontait des histoires de bateaux fantômes retrouvés à la dérive en haute mer, vides de leurs équipages.  
    Le dimanche suivant, après la lecture de la Bible et le cantique, Mac Nabb

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