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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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liasse de feuillets. Lui n’était pas allé au restaurant.
    — La défense, au début de ce procès, a voulu mettre en doute les résultats de l’autopsie, commença-t-il. Les docteurs Marois
    et
    Lafond
    ont
    compté
    cinquante-quatre

blessures. Tous les deux ont vu là la cause de la mort. Le père avait les moyens de faire soigner Aurore. Dans sa paroisse, il s’agit d’un cultivateur à l’aise. A la place de médicaments, cette femme servait du Lessi à l’enfant !
    Dans les directives aux jurés, les magistrats clarifiaient des points de droit, ils pouvaient résumer les faits en cause.
    Ce vieux juge se transformait en substitut du procureur. Il rappela toutes les fois où Marie-Anne Houde avait déclaré souhaiter la mort de sa victime.
    — Toute personne est réputée être saine d’esprit aussi longtemps qu’elle n’a pas fait la preuve de sa folie. Si les criminels n’avaient qu’à dire «je suis fou» pour être déclarés innocents, les prisons seraient vides et les asiles déborderaient.
    Maître Francœur nous a dit : « Pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. » Par ces paroles, le Christ accordait son pardon à ses bourreaux qui ne le reconnaissaient pas comme le fils de Dieu. Mais aucun homme sérieux ne prétendra que les bourreaux du Christ ne savaient pas ce qu’ils faisaient.

    Le coup d’épingle fit grimacer l’avocat de la défense. Le magistrat s’attarda longuement sur la notion de folie en droit criminel; il cita de nouveau l’article 19 du Code.
    — Cette femme est-elle folle ? Cela demeure la seule question importante, aujourd’hui. Elle a pris des précautions pour cacher
    les
    violences
    infligées
    à
    Aurore.
    Elle
    a
    ordonné aux autres enfants de ne pas parler. Sous sa tutelle, ils se sont tus. Confiés à leurs grands-parents, ils ont révélé la vérité.
    La Presse publierait les mots suivants du juge sans en omettre un: «C’est ainsi que nous avons pu assister à ce spectacle douloureux, mais convaincant, de ces enfants venant dire la vérité contre cette femme. Son propre fils, Gérard Gagnon, la chair de sa chair, le sang de son sang, les os de ses os, respectant la sainteté du serment, a été le plus fort témoin contre sa mère. Il y a là une intervention providentielle. »
    Même dans un procès aussi scabreux, Dieu veillait.
    Pelletier fit ensuite allusion à l’affaire Thaw, aux Etats-Unis. Un millionnaire avait payé très cher des spécialistes pour se faire déclarer
    innocent
    pour
    cause
    de
    folie,
    puis il avait payé les mêmes personnes pour se faire déclarer guéri !
    — C’est parce que les enfants nous ont donné des témoignages bouleversants de vérité que la défense s’est résolue à un plaidoyer d’aliénation. Mais personne, jusqu’à cette volte-face, n’avait remarqué chez elle de signes de folie. Alors, nous nous retrouvons avec une querelle d’experts.
    Après un examen de quelques heures, le docteur Albert Prévost en est arrivé à un diagnostic de débilité et de folie. Cet homme se fait une spécialité de témoigner à gauche et à droite. Mais pendant les décennies précédentes, personne parmi les connaissances de l’accusée n’avait remarqué ces maladies !
    Le professeur de l’Université de Montréal mérita des critiques acerbes, le juge alla jusqu’à dire qu’on lui avait peut-être soufflé son témoignage. Moins affirmatif, le docteur Tétreault fut traité avec plus d’aménité.
    — D’un autre côté, tous les proches de l’accusée et les experts de la Couronne la disent saine d’esprit !
    Puis, Pelletier s’attarda sur les faits présentés à la cour, commenta longuement la lettre de Marie-Anne Houde où elle conseillait aux grands-parents Gagnon d’inciter les enfants au silence. Le magistrat dressait le portrait d’une personne intelligente, rusée, résolue à faire mourir une enfant.
    — Elle est enceinte, nous a rappelé l’avocat de la défense.
    Ne vous préoccupez pas de cela. Son enfant sera confié à une famille chrétienne.
    Une nouvelle fois, Louis-Philippe Pelletier rappela les verdicts possibles. Puis, il conclut :
    — Je demande à Dieu de vous bénir et de vous éclairer.
    Machinalement, il nota « quatre heures quinze » sur ses feuilles. En tout, il avait parlé pendant cent soixante minutes.
    Il regagna son bureau. Un employé de la cour escorta le jury vers la salle de délibération, les constables firent de même avec

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