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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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cadavre, afin de leur cacher les cinquante-quatre plaies.
    L’argument troubla les esprits, le juge dut réprimer une très légère rumeur d’un regard sévère.
    — Les experts produits par la défense ont juré que l’accusée souffrait de débilité et de folie. Ces tares résultent probablement de la méningite dont elle a souffert dans son jeune âge. Les comportements induits par son état se manifestent pendant ses grossesses. Les fous ne sont pas fous toutes les minutes de leur vie, dans toutes les occasions.
    Ils peuvent paraître tout à fait normaux, puis laisser voir leur infirmité dans une circonstance particulière. C’est le cas de l’accusée.
    Le visage perplexe, les jurés devaient chercher dans leur propre famille l’exemple de comportements excentriques chez des personnes habituellement raisonnables.
    — Des trois experts produits par la Couronne, un seul a accepté de jurer que l’accusée était responsable de ses actes. Il est un médecin légiste très compétent, certes, pas un aliéniste. Le docteur Brochu, dont le professionnalisme dans ce domaine est incontesté, n’a pas voulu le faire.
    Fitzpatrick s’agita un peu sur sa chaise. Il comprenait la prudence du médecin. Personne n’ouvrait les têtes ou les âmes afin de juger du degré de responsabilité d’un accusé.
    — Dans tous les pays civilisés, les tribunaux acceptent les plaidoyers de folie, pour ne pas punir injustement des personnes non responsables de leurs actions. L’exemple nous vient de haut : regardez sur ce mur.
    Derrière le juge, on apercevait une photographie du roi, mais aussi un grand crucifix.
    — Dieu a dit : « Pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. » Marie-Anne Houde ne savait pas ce qu’elle faisait. Pour cela, vous devez déclarer cette femme enceinte innocente.
    Sur ces mots, Francœur regagna sa place. Dans une ville catholique, la finale occuperait tous les esprits.

    *****
    Avant de prendre la parole, Arthur Fitzpatrick passa près de la table de son adversaire.
    — Alors en te couchant, tu pries sainte Marie-Anne Houde ?
    Puis, à son tour, il alla se planter devant les jurés.
    — Mon brillant confrère vous a dressé un récit émouvant parfois, remarquable d’autres fois. Mais faux du début à la fin. Vous êtes là depuis le commencement, alors vous avez entendu de sa part d’autres prétentions à la fois brillantes et fausses. D’abord, il a voulu vous faire croire que la petite Aurore est morte des suites d’une blessure à la moelle épinière. Vous vous souvenez?
    Tous les yeux se tournèrent vers la table des défenseurs.
    Francœur jouait un peu nerveusement avec un stylo à plume.
    — Ensuite, vous avez entendu les témoignages de voisins relatant des mauvais traitements, mais aussi des remarques de la bouche de Marie-Anne Houde, selon lesquelles elle souhaitait voir cette enfant disparaître. Tantôt, elle disait combien elle était difficile à élever. Cela justifiait à ses yeux les pires châtiments. Pourtant, pour de nombreuses personnes, dont
    son
    institutrice,
    il
    s’agissait
    d’une
    fillette
    intelligente et docile. Tantôt, elle attribuait à une maladie souvent mortelle, la tuberculose, les traces de ses mauvais traitements.
    Le substitut du procureur se tourna vers son adversaire pour dire :
    — Je vous le demande: ces stratégies sont-elles le fait d’une folle ?
    L’homme fit une pause, puis répondit lui-même à sa question.
    — Bien sûr que non. Les enfants sont venus nous dire comment cette femme martyrisait la petite fille. Elle savait si bien que son comportement était criminel qu’elle mobilisait ces derniers pour surveiller aux fenêtres. Les fous ne craignent pas de se faire prendre, n’est-ce pas ?
    Les journalistes tentaient de prendre en note chacun de ses mots. Ils n’y arriveraient pas.
    — Marie-Anne Houde allait plus loin. Elle commettait des forfaits, comme mettre des excréments dans les habits de son époux, pour inciter celui-ci à la punir sévèrement.
    Une personne aliénée mentalement peut-elle manipuler un cultivateur prospère pour en faire son exécuteur ?
    Le procureur laissa échapper un rire bref, chargé d’ironie.
    — Mon savant confrère a compris qu’il ne pouvait plus invoquer une maladie de la moelle ou les turpitudes de la victime : le nombre inouï et la brutalité des sévices le lui interdisaient. Une autre histoire aussi fausse que les deux premières a germé dans son esprit.

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