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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore
Autoren: Jean-Pierre Charland
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oreilles du froid, Couture utilisa tout de même une main pour ouvrir la porte à Mathieu. Il s’avança ensuite vers la pièce encombrée de bancs
    placés
    en
    parallèle,
    en
    face
    d’un
    petit
    autel.
    — C’est de ce côté, indiqua Mathieu en s’engageant dans un escalier étroit placé à droite de la porte.
    Il conduisait à une cave très sombre, creusée dans la terre humide, profonde d’un peu moins de six pieds. Le jeune homme devait fléchir les genoux afin de ne pas heurter du front les poutres soutenant le plancher au-dessus de lui. Le policier retira son melon pour ne pas le voir choir sur le sol de terre battue où on avait placé des planches ça et là.

    De chaque côté, un soupirail laissait entrer une lumière blafarde, tout
    juste
    suffisante
    pour
    leur
    permettre
    de
    se
    déplacer sans se heurter les pieds.
    — Le docteur Marois ne verra rien dans ce trou, pesta Couture.
    — C’est pour cela que je suis venu mettre ces lampes à pétrole sur cette table, tout à l’heure. Les chambres du presbytère en sont privées, maintenant.
    Se rendre utile, cela voulait dire aussi se muer en garçon de course. Les lampes, toujours éteintes, s’alignaient à un bout de la surface en bois. Le jeune homme plaça le corps devant celles-ci avec précaution, puis il posa la main sur la surface rugueuse afin de reprendre son souffle. L’émotion, plutôt que le poids du fardeau, rendait sa respiration haletante.
    — Vous n’avez pas peur des morts, au moins ? railla le policier.
    Mathieu posa sur lui un regard mauvais, puis il déclara d’une voix chargée :
    — J’ai vu et j’ai manipulé plus de cadavres en un an que vous et tous vos amis de la Police provinciale mis ensemble n’en verrez dans toute une vie. Alors, ne me faites pas chier.
    Le détective songea à protester, à chercher lui aussi dans son vocabulaire des mots assez grossiers pour faire rougir cet étudiant. Les yeux fixés dans les siens l’amenèrent à de meilleurs sentiments.
    — Excusez-moi, consentit-il enfin. La voir comme cela me met hors de moi.
    — ... Ça va. Moi aussi, cette situation me révolte. Peut-
    être que l’expérience me rendra moins sensible, un jour.
    — Cela n’a pas marché pour moi, en tout cas. Allez dire au grand docteur de venir commencer sa boucherie. Plus vite il aura terminé, plus vite je pourrai rentrer à Québec avec ces deux salauds menottés.
    Mathieu s’éloigna du corps.
    — Marois a demandé au médecin traitant de cette petite fille de l’assister pendant l’autopsie, dit-il avant de regagner l’escalier. Au téléphone, l’autre lui a dit qu’il ne pourrait se présenter ici avant trois heures.
    Le policier contempla sa montre, jura entre ses dents.
    L’enquête du coroner ne commencerait pas avant que le médecin légiste ne soit en mesure de rendre son rapport.
    En comptant au mieux, la procédure ne se terminerait pas avant sept heures.
    Pour montrer sa bonne nature, le stagiaire ajouta :
    — La ménagère du curé a mis une assiette de côté pour vous. C’est du bœuf.
    — Dieu bénisse cette bonne dame, mais nous ne pouvons l’abandonner là toute seule. Les curieux, c’est-à-dire toute la population de la paroisse, envahiront l’endroit si nous les laissons faire.
    Le jeune homme sortit un gros cadenas de la poche de son paletot.
    — Ces bons catholiques ne forceront pas une porte dans une église. Ce serait un vrai sacrilège.
    Les deux hommes contemplèrent le cadavre un bref instant, puis ils quittèrent les lieux.

    *****
Ces personnes réunies par un événement malheureux ne trouvaient plus rien à se dire, après des heures de tête-
    à-tête. Les médecins, après avoir évoqué les avatars de l’existence de quelques collègues, se perdaient dans la contemplation du beau tapis « de Turquie » ornant le plancher du grand salon du presbytère. Les motifs étranges devaient susciter des rêveries coupables chez ces messieurs, car aucun ne levait plus les yeux.
    Le curé, de son côté, possédait un moyen d’évasion bien légitime. Trente minutes plus tôt, il avait sorti un petit livre relié en cuir noir de sa poche de pantalon, sous la soutane, en disant :
    — Si vous voulez m’excuser, mon état exige cette lecture quotidienne.
    Depuis, l’homme de Dieu se concentrait sur les pages de son bréviaire.
    Un moment, Mathieu songea à faire de même avec le Code civil, en donnant une excuse semblable. Il en avait placé une copie dans
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