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Mathilde - III

Titel: Mathilde - III Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Pecunia
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d’elles
une fois au sortir de l’office et qu’il leur avait dit bonjour.
    Mme de La Joyette en avait eu un haut-le-corps et s’était
emparée de la main de ses filles pour les emmener au loin de cet
individu non sans lui avoir jeté un regard peu amène.
    Mme de La Joyette avait toutes les raisons de se garder de ce
triste personnage car il lui arrivait de rôder rue Saint-Dominique
et même de stationner longuement devant le porche de l’hôtel.
Pourtant, l’homme n’avait rien d’un clochard ou d’un mendiant sans
paraître pour autant aisé et il y avait une certaine distinction
dans son attitude.
    Seule Miss Sarah n’en avait pas peur et lui donnait le bonjour
lorsqu’elle le croisait, familiarité que Mme de La Joyette trouvait
des plus déplacées et qu’elle jugeait être le fruit de son
éducation d’Américaine, de
Yankee
plus précisément, car
les gens du sud de ce pays-là ont une grande éducation
contrairement aux habitants du Nord.
    Mais Mme de La Joyette estima qu’elle passait les bornes ce jour
d’hiver au froid particulièrement mordant où Sarah Dufort invita
cet individu à prendre un grog à l’office et qu’elle découvrit que,
en plus de Miss Sarah, sa propre cuisinière semblait le
connaître.
    Elle le pria vertement de se presser de boire son grog et de
déguerpir sans plus mettre les pieds en son hôtel.
    L’homme parut particulièrement affligée de l’attitude la
comtesse, mais il sembla se le tenir pour dit car on ne l’aperçut
plus de plusieurs semaines dans le quartier, excepté à l’office du
dimanche.
    Il était pourtant difficile de juger des sentiments qu’il
pouvait ressentir – et si même il en éprouvait – sauf à en juger à
son attitude, car son visage était des plus inexpressifs à cause de
ce masque de cuir qui lui couvrait tout le dessus du crâne,
couvrant jusqu’à ses sourcils et son nez, le reste de sa face
disparaissant sous une épaisse barbe telle qu’on eût pu le croire
également sans bouche.
    Pour Mme de La Joyette, un homme ayant une telle apparence
méphistophélique ne pouvait être qu’une incarnation du diable –
auquel elle ne croyait pas par ailleurs mais qui lui semblait la
figure de rhétorique la plus appropriée en l’espèce.
    Mais qu’il y eût quelque chose de diabolique en lui, c’était
certain. Aussi, lorsque la grosse Marie
osa
lui donner son
sentiment qu’elle ne lui demandait pas, la jugeant « peu
charitable », elle lui répondit que l’on faisait la charité
aux humains et non aux monstres.
    – Ce n’est qu’un pauvre malheureux de la guerre comme il y en a
tant, avait marmonné la cuisinière. Un de ces défigurés qui n’ont
plus visage humain.
    Ce qui devait être vrai, mais, si les blessés de la face pouvait
être repoussant et effrayant, il ne l’était pas à ce point et cet
individu eût été paradoxalement moins inquiétant en étalant ses
blessures le défigurant qu’en les masquant d’un masque grotesque et
d’une barbe broussailleuse.
    Mais Mme de La Joyette voulut en avoir le cœur net car elle
craignait pour ses filles, estimant qu’un être aussi disgracieux
devait être habité de penchants tout aussi affreux.
    Cela lui en coûta, mais elle s’adressa directement au préfet
Mafouin qui était loin d’être de ses intimes et qu’elle tenait
pourtant à distance. Marcellin Mafouin fut donc d’autant plus ravi
que la comtesse fît appel à lui et fit preuve d’une grande
diligence pour satisfaire sa curiosité.
    La comtesse de La Joyette n’était pas la première à lui demander
ce genre de « petit service », et cela n’était pas sans
l’amuser toujours tant ces demandes étaient plus futiles les unes
que les autres. Les satisfaire était pour lui affaire de routine
qu’il menait néanmoins fort consciencieusement car il y voyait
l’assise même du réseau d’influence qu’il n’avait cessé de tisser
depuis qu’il était monté à la capitale.
    En l’occurrence, Mme de La Joyette fut grandement satisfaite
d’apprendre que cet individu qu’elle jugeait
« inquiétant » n’était autre qu’un honnête et brave
soldat, le capitaine Marchal, grièvement blessé à la face au cours
du printemps 1918, résidant rue Duvivier depuis le mois d’octobre
1920 et payant régulièrement son loyer à son logeur, ce qui
justifiait pleinement qu’on l’aperçût dans son quartier et qu’il
participât à l’office à l’église de sa paroisse.
    Elle en fut,

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