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Mélancolie française

Mélancolie française

Titel: Mélancolie française Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Zemmour
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me la reprocherait. »
    La victoire de Waterloo consacrait le changement d’époque et l’avènement des nouveaux maîtres du monde. Le diplomate suisse Jean-Gabriel Eynard explique pertinemment : « La gloire de Wellington passera aux siècles des siècles. Sa victoire a des résultats trop importants pour que rien puisse l’affaiblir. La postérité dira que c’est depuis ce jour, 18 juin, que la puissance française a été réellement anéantie. […] Les Anglais par terre et par mer sont aujourd’hui le premier peuple. Ils ont la gloire d’avoir renversé deux fois le colosse français. »
    À Londres, des fêtes inouïes durèrent trois jours. Le nom, les armes, le portrait du duc de Wellington furent affichés en lettres de feu sur tous les murs de la ville. À Paris, Mme de Staël glorifiait le premier général d’un siècle où avait vécu Napoléon. Elle ouvrait le bal de ces intellectuels français libéraux et progressistes qui ne cessèrent depuis lors de se chercher un maître étranger, qu’il soit anglais, allemand, russe, américain. Et demain, chinois, indien, arabe ?
    La « légende » de la fortune de Nathan Rothschild à Waterloo symbolisait le nouveau cours du monde : l’Angleterre et la City avaient abattu leur plus farouche adversaire. On ne sait si Nathan Rothschild fut présent en personne à Waterloo, ou s’il bénéficia de son réseau d’agences efficaces à Ostende, Dunkerque, Calais, et de son service de chevaux remarquable. On lui apporta la nouvelle de la victoire de Waterloo dans la nuit du 19 au 20 juin, à Londres, ce qui lui permit d’acheter à terme les billets de l’Échiquier à 3 % pour les revendre le 28 au prix fort.
    Ce fut une guerre militaire, économique, financière, commerciale, mais aussi idéologique. La première guerre totale de l’histoire. Les services anglais expérimentèrent même, avec Napoléon, ce que les Alliés réussiront en grand avec les Allemands au cours des deux guerres du XX e siècle : la diabolisation morale de l’ennemi. À la fois ogre et antéchrist, Napoléon finit comme « ennemi de l’humanité ». Avec Napoléon, les Anglais ont en quelque sorte inventé l’« hitlérisation » de leur adversaire. Dans un célèbre et savoureux film intitulé Drôle de drame, Françoise Rosay avertissait Louis Jouvet : « À force d’écrire des choses horribles, elles finissent par arriver. »
    À sa chute, Napoléon n’incarnait plus la liberté née avec la Révolution, « l’esprit du monde à cheval », mais finit sous les traits du conquérant insatiable, du tyran, de l’oppresseur des peuples. La France passa du statut de grande sœur émancipatrice à celui de nation bottée et casquée. Vae victis. Napoléon expérimentait, avant d’autres, l’extrême difficulté d’apporter la « liberté » et le « progrès » par la force. Napoléon perdit finalement la guerre d’image, avant de prendre une éclatante revanche, après sa mort. Mais c’était trop tard… pour la France.
    Alimentés par les confessions tardives faites à Thiers par Metternich, qui tenait à « blanchir » aux yeux de la postérité l’attitude fielleuse de l’« allié » autrichien, d’innombrables livres accusèrent ensuite Napoléon d’avoir causé sa propre perte – et celle de la France – par sa raideur, son orgueil, ses concessions toujours à contretemps. Pourtant, à propos des négociations de paix de 1813, qui précédèrent la bataille des nations à Leipzig, et dont la propagande anglo-autrichienne mit l’échec sur le dos de Napoléon qui aurait refusé une « paix avantageuse », le grand historien Albert Sorel écrivit : « Le doute n’est pas permis. Ce que veulent les coalisés, c’est la destruction du Grand Empire, la ruine de la suprématie française, le refoulement de la France dans les anciennes limites et, comme consécration définitive, la déchéance de Napoléon […]. En réalité, ce que Napoléon défend sur l'Elbe, ce qu’il va perdre inévitablement, ce sont ces têtes de pont, ces avant-postes que le Comité de salut public de l’an III et le Directoire avaient successivement dessinés sur la carte, conditions de la conquête et de la conservation des limites naturelles. »
    Napoléon, seul, avait parfaitement compris la brillante manœuvre stratégique de la diplomatie britannique.
    Lors de la conférence de Châtillon, après sa victoire de Montmirail en 1814, dont on l’accusa de refuser les

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