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Mélancolie française

Mélancolie française

Titel: Mélancolie française Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Zemmour
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obtinrent de Pétain que Weygand fut révoqué, le 17 novembre 1941. En novembre 1942, il fut arrêté par la Gestapo et déporté au château d’Itter, en Allemagne, qui dépendait administrativement de Dachau. Après son départ, le général Juin continua l’œuvre inachevée. Le bilan ne fut pas ridicule. Les armées d’Afrique du Nord et d’Afrique-Occidentale comptèrent 230 000 hommes, que l’on retrouva dans la campagne d’Italie ou en Provence.
    L’entrée en guerre des Américains, tant attendue par le Maréchal, ruina pourtant la stratégie pétainiste. La défaite des Allemands pris en tenaille entre Américains et Soviétiques était programmée. À partir du moment où il comprit qu’il était perdu, Hitler rationalisa la « solution finale des Juifs ». La rafle du Vél’d’Hiv date de juillet 1942. Le gouvernement de l’État français, par la bouche de René Bousquet, obtint des Allemands la distinction salvatrice entre Juifs français – protégés – et Juifs étrangers – embarqués pour les camps de la mort ; mais, sans l’aide de la police française, les Allemands n’auraient pas eu les moyens de rafler autant de Juifs. Même si les avocats de Vichy argueront non sans raisons qu’au pays des Gauleiter et de la Gestapo, comme aux Pays-Bas, 100 % des Juifs furent pris, la montée aux extrêmes de cette guerre enfonça le double jeu attentiste de Pétain, ruina son ambiguïté entre ses deux protecteurs, Berlin, mais aussi Washington, et, puisqu’il n’osait rejoindre le camp américain à Alger, le contraignit à devenir le complice de l’ignominie nazie, forçant chacun à choisir et conduisant à l’inévitable guerre civile, cent fois recommencée depuis les guerres de Religion, alors que Pétain s’était cru capable à son tour de pacifier un pays déchiré.
    L’immobilisme de Pétain à la fin 1942 démontrait définitivement que, malgré les efforts sincères des vichysto-résistants, le pétainisme fut avant tout un pacifisme, soucieux de ne pas sortir de la protection du maître allemand et de la paix germanique. « On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment » : l’un des plus célèbres vichysto-résistants, François Mitterrand, ferait de cette célèbre formule du cardinal de Retz une devise.
    Alors que le Maréchal et le Général faisaient assaut de virilité guerrière – une concurrence effrénée que nous montre avec jubilation Patrick Buisson dans son livre L’Érotisme sous Vichy –, aucun des deux ne disposait des moyens de tenir sa promesse : Pétain parce qu’il « collaborait » avec l’occupant ; de Gaulle, parce qu’il ne disposait pas d’armée digne de ce nom : « J’ai en main le glaive de la France, mais Dieu qu’il est court ! » Paradoxe fondateur de l’identité masculine depuis des milliers d’années : l’homme risque son existence en faisant la guerre, mais il perd son essence en ne la faisant pas. Pétain prétendit protéger les Français des réalités cruelles de la défaite et de l’occupation ; de Gaulle tenta de persuader les Alliés que la France faisait partie des vainqueurs. Leur unique atout commun était leur voix ; leur seule arme, les mots ; leur seul outil, mécanisé : la radio. Les autres, les Alliés, les ennemis, n’étaient pas dupes. En dépit de leurs rodomontades viriles, de leurs uniformes sémillants, le Général comme le Maréchal déployaient tous deux un registre maternel, de consolation, protection, illusion. Roosevelt, dans ses conversations avec Churchill, surnommait de Gaulle « la mariée », ou « la prima donna » . De Gaulle lui-même prit comme modèle Jeanne d’Arc. Appela la protection de la Vierge sur la France.
    Les Américains repoussèrent, avec une brutalité qui changeait de la subtilité anglaise, les requêtes territoriales françaises ; en dépit des exploits de la 2 e DB sur le Rhin, magnifiés par la chanson de geste gaullienne, on ne retrouverait pas un pouce de Rhénanie. Eisenhower renonça seulement à appliquer les consignes de Roosevelt qui lui avait ordonné d’amputer la France de ses provinces alsacienne et mosellane. Lorsque de Gaulle revendiqua la vallée d’Aoste, en Savoie – qu’avait « oubliée » Napoléon III lors de l’annexion de 1860 –, région splendide où l’on parle un franco-provençal depuis mille ans, et où les troupes françaises furent acclamées, les Américains refusèrent et, devant l’insistance ombrageuse de De Gaulle,

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