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Mélancolie française

Mélancolie française

Titel: Mélancolie française Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Zemmour
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coupèrent le ravitaillement en essence de la 2 e armée française. Le Général dut manifester une fureur toute théâtrale pour empêcher que la France, à l’instar de l’Italie, ne fut considérée comme un pays vaincu, occupé, sous administration et monnaie américaines : le fameux AMGOT. Certains historiens contredisent ce récit gaullien des intentions américaines, mais personne ne nie que les responsables du débarquement en Normandie ne tinrent aucun compte de la Résistance française, de ses forces et de ses intentions, et furent tout étonnés de l’aide qu’elle apporta aux forces alliées. Les Américains cédaient (parfois) aux colères de la « prima donna », mais n’en pensaient pas moins : pour eux, la France était sortie de l’histoire en juin 1940. De Gaulle n’était pas dupe, au contraire de ses thuriféraires. De son admiration juvénile pour Cyrano de Bergerac il avait gardé l’idée que seul le panache survit à la défaite. La France ne comptait plus ; l’indépendance nationale n’était alors qu’un mot, au pis aller une posture, au mieux un état d’esprit, un exemple, une dignité.
    Une promesse. Une résurrection. La France descendue de la croix. Suivant à la trace la glorieuse armée française, bâtie à la hâte et jetée à la poursuite d’une armée allemande encore vindicative, de Gaulle tente une dernière fois de forcer le destin, de réussir au bluff là où Danton, Bonaparte et Clemenceau ont échoué. Le 12 février 1945, à Strasbourg, il déclare avec superbe : « Le Rhin doit être une grande avenue française. » Mais pendant ce temps, à Yalta, se réunissent Roosevelt, Churchill et Staline, pour une conférence à laquelle le Général n’est même pas convié. Dans Le Figaro , François Mauriac a tout de suite saisi la signification historique de cette absence et de ce mépris : « Je doute que nous devions feindre de prendre légèrement le coup qui nous atteint : pour la première fois, dans l’histoire, les "grands" se réunissent et le fauteuil de Talleyrand et de Chateaubriand demeure vide. Même après ses désastres, la France avait toujours occupé, dans l’assemblée des nations, la place qui lui était due, ses amis lui refusent aujourd’hui ce que ses ennemis les plus haineux, au cours des siècles, n’eussent jamais songé à lui disputer. »
    Jusqu’à sa mort, le Général de Gaulle fera tout – succès et échecs mêlés – pour réoccuper le fauteuil vide de Talleyrand et de Chateaubriand : zones d’occupation de Berlin, siège au Conseil de sécurité de l’ONU, bombe atomique, sortie des instances intégrées de l’OTAN, tout fut tenté. Jusqu’à l’abandon de l’empire colonial, à partir du moment où de Gaulle jugea qu’il était devenu un boulet.
    Alors de Gaulle liquida l’empire français. Le troisième empire français. Après ceux de Louis XIV et de Napoléon. Après l’Amérique et l’Inde, après l’Europe, l’Afrique et l’Indochine. Le seul dont on ait gardé le souvenir et la nostalgie aujourd’hui et celui pourtant qu’on avait le moins désiré, qui nous était le moins utile dans notre quête millénaire. Avec les conquêtes d’outre-mer de Louis XIV, nous avions perdu la bataille de la mondialisation. Avec l’empire de Napoléon, quand la France avait réintégré ses « anciennes limites », elle avait renoncé à son rêve gallo-romain, et manqué son indispensable mutation de superpuissance. La plupart de nos contemporains sont à tort persuadés que la perte de notre empire colonial, et en particulier de l’Algérie, signe la fin de la France grande puissance. De Gaulle, lui, n’ignorait rien du cataclysme de 1815. Après les premiers temps de la conquête et de l’exploitation – dans tous les sens du terme –, notre empire nous coûta de plus en plus cher. Depuis que les Pays-Bas avaient abandonné l’Indonésie en 1947, lui démontraient ses conseillers, ils avaient connu un développement économique brillant. Cet ensemble hétéroclite qu’il laissait derrière lui était un empire de hasard et de moins en moins de nécessité.
    Empire de substitution. De compensation. De consolation. À la chute de l’empire napoléonien. L’Algérie fut la première prise et la dernière abandonnée. Emblématique et passionnelle. L’Algérie était un prolongement territorial outre-Méditerranée. La France s’imaginait retrouver ses repères de l’Empire romain. Bugeaud conquiert

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