Mélancolie française
et stimulé les revendications flamandes au lieu de les apaiser. Il n’y a pas eu un Premier ministre Wallon depuis 1974. Le drapeau flamand a en Flandre la préséance sur le drapeau belge. Les partis politiques belges n’existent plus ; ils ont tous été scindés en branches flamande et wallonne ; 60 % des électeurs flamands votent déjà pour des partis séparatistes ou confédéralistes.
Peu à peu, les Wallons réagissent et sortent de leur léthargie. À Liège, on fête le 14 juillet avec bien plus d’enthousiasme que le 21 juillet, la fête nationale belge. Dans Le Figaro du 2 août 2008, Daniel Ducarme, ministre d’État belge, député de Bruxelles, écrivit : « L’identité de la Belgique française vaut pour tous les francophones. Peu importe les oukases flamands, l’absolue fermeté est nécessaire. C’est un choix éthique avec le Grand Bruxelles en métropole. […] L’accueil des Français est de plus en plus ouvert. Il accrédite le partage d’une citoyenneté commune dans l’espace de francophonie internationale. Il vient en prolongement d’une vie quotidienne déjà bien semblable, avec un même organisme bancaire pour les villes et les communes, un même outil industriel de politique énergétique, un même espace audiovisuel, des enseignes commerciales aux mêmes couleurs…» Et d’appeler à un référendum sur la Belgique française.
Selon un sondage IFOP publié par Le Journal du dimanche en novembre 2007, 54 % des Français sont favorables au rattachement de la Wallonie à la France. Un chiffre qui atteint 66 % dans les régions frontalières, le Nord-Pas-de-Calais, les Ardennes ou la Meuse. Dans un autre sondage IFOP, pour le quotidien belge Le Soir , 49 % des Wallons optaient pour le rattachement de la Wallonie à la France.
La Wallonie fut au XIX e siècle la région la plus riche d’Europe. Textile, charbon, sidérurgie. La première industrialisation élut domicile dans cette région que les traités de 1815 avaient arrachée à la France au moment même où ils auraient pu donner à notre pays la force de frappe industrielle qui lui manqua si cruellement dans son affrontement avec l’Allemagne. La Wallonie a subi depuis trente ans le même déclassement économique et social que son frère français du Nord-Pas-de-Calais. L’industrie lainière a été délocalisée, les charbonnages ont fermé, la sidérurgie a été démantelée selon les plans libéraux de la Commission européenne. Le Blocus continental de Napoléon avait provoqué dans les années 1810 en Wallonie – en Rhénanie, et dans le Nord français – le décollage d’une industrie « naissante », selon les fameuses théories de List, à l’abri de la concurrence britannique. À partir des années 1980, l’abaissement des barrières tarifaires accélérait les bouleversements déjà provoqués par les mutations technologiques. Le libre-échange mondialisé ruinait définitivement l’œuvre du protectionnisme napoléonien. Aujourd’hui, la Wallonie et toute l’Europe ne peuvent répondre à la nouvelle demande d’acier, carence qui réjouit l’industrie indienne de retour dans la cour des grands. En Belgique, la situation a été encore aggravée par le départ de Wallonie des grands groupes financiers que le gouvernement belge – sous emprise flamande – n’a rien fait pour retenir. À 14 %, le taux de chômage est encore plus fort en Wallonie que dans le Pas-de-Calais (10 %). Dans les vieux bassins industriels de Charleroi ou de Liège, il grimpe à 20 %. Lorsque éclata l’affaire autour du pédophile Dutroux, des Flamands expliquèrent que ce Bruxellois établi dans la région de Charleroi était une nouvelle incarnation du « mal wallon ».
Et puis il y a Bruxelles. « La seule marque belge connue au niveau mondial comme Coca-Cola », a reconnu un leader flamand. Un ancien bourg flamand de 100 000 habitants, lorsque naît la Belgique en 1830, qui parlent le brusseleer, un patois brabançon néerlandophone. Capitale de la Flandre, depuis la régionalisation de 1989, mais surtout ville internationale où on parle avant tout le français mais aussi l’anglais ou l’arabe, et où ne vivent plus que 10 % de Flamands. Bruxelles se résume en quelques chiffres qui expliquent l’enjeu : 10 % de la population belge ; 20 % de la richesse nationale ; 35 % de l’impôt sur les sociétés. Avec sa périphérie, elle fournit un tiers du produit intérieur belge. Deux mille entreprises
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