Mélancolie française
nationalité des « nouveaux Français » – altère la présentation des chiffres. La France est le seul pays d’Europe où l’ancienneté continue de l’immigration de masse, le droit du sol, et l’interdiction des statistiques ethniques se conjuguent pour rendre toute discussion scientifiquement impossible. Tout le reste est idéologique.
« Les chiffres sont des êtres fragiles qui, à force d’être torturés, finissent par avouer tout ce qu’on veut leur faire dire », ironisait le grand démographe Alfred Sauvy. La part des étrangers dans la population française est restée stable depuis 1975 et même les années 1930: 10 %. Chiffre invariablement brandi depuis trente ans. Chiffre indiscutable. Chiffre d’une rare mauvaise foi pourtant. Imaginons que surviennent cent millions d’Africains (ou de Chinois ou de Brésiliens) dans notre beau pays ; on donne aussitôt une carte d’identité à chacun ; la part d’étrangers dans la population française n’aura pas bougé d’un millième de point. C’est ainsi que l’on a agi depuis trente ans : aux cent mille étrangers, solde annuel entre les entrants et les sortants (deux cent mille depuis dix ans), sans tenir compte des irréguliers, ont correspondu autant de naturalisations.
On torture de même les chiffres de fécondité des femmes étrangères. À partir des mêmes résultats (2,57 enfants par femme algérienne, 2,97 pour les Marocaines, 3,2 pour les Turques, 2,86 pour les Africaines), les uns notaient qu’en France celles-ci faisaient moins d’enfants que dans leur pays d’origine (sauf les Turques et les Tunisiennes), et les autres relevaient qu’elles en faisaient nettement plus que les Françaises d’origine européenne (1,7). Personne ne notait (ou ne voulait noter) que ce dernier chiffre franco-français n’était pas si éloigné des chiffres désastreux de nos voisins européens (1,75 en Suède, 1,74 en Grande-Bretagne, 1,37 en Allemagne, 1,33 en Italie, 1,32 en Espagne).
Un démographe dissident, Jérôme Dupaquier, évaluait la part des naissances d’origine africaine ou turque à 11,6 % en 2008, 13,4 % en 2013… et 18 % en 2020. Il ne comptait plus la part de la population d’origine maghrébine.
Les experts et la loi parlent uniformément de citoyen français, en fonction de la nationalité ; le Français de la rue constate la modification de la composition du peuple français. Les experts et la loi nous interdisent de nous poser la question que les gens posent sans cesse. Les chiffres ne séparent pas non plus la natalité de la métropole et celle, bien plus dynamique, des territoires d’outre-mer. Les Antillais seraient très choqués – avec raison – de semblable distinction. Mais la vision du Français de la rue – un Noir est un Noir – ignore les dissensions entre Africains et Antillais, et rejoint ironiquement l’idéologie de la négritude.
Le spécialiste de l’immigration à l’Élysée, Maxime Tandonnet, mange le morceau : évaluant le solde migratoire à 200 000 par an (alors que l’INED parle de 65 000), sans tenir compte des clandestins (la police, dit-il, procède à 80 000 interpellations de personnes qui ne figurent dans aucun fichier), et compte tenu, ajoute-t-il, du nombre de naissances étrangères en France (environ 100 000 par an), l’apport « allogène » au peuplement de notre pays, essentiellement originaire du continent africain, représente environ un tiers en tendance du renouvellement démographique. On est loin de l’indice de fécondité de 0,1 % de l’INED, dont on peut se demander d’ailleurs l’utilité. Et plus près de ce que les Français de la rue observent.
Notre dynamisme démographique est branché sur le moteur à explosion maghrébin et africain ; les dissimulations imprécatoires des Lyssenko de l’INED n’y changeront rien.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’immigration étrangère soutient généreusement une natalité française en berne depuis le début du XIX e siècle. En 1927 déjà, Alfred Sauvy avait estimé que les francisations survenues entre 1872 et 1927 avaient contribué à la moitié de l’accroissement démographique de ces années là. Le bilan d’un siècle opéré par Michèle Tribalat en 1986 conduisait la démographe à attribuer à l’immigration étrangère plus de 40 % de l’augmentation du nombre d’habitants depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La même estimait que, dans les quatre dernières
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