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Mélancolie française

Mélancolie française

Titel: Mélancolie française Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Zemmour
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décennies du XX e siècle, l’immigration étrangère représentait près de la moitié de la croissance démographique française.
    Même si elle n’est pas un pays officiellement d’immigration comme les États-Unis, le Canada, ou Israël, la France n’en a pas moins développé une tradition et un savoir-faire originaux d’accueil de populations étrangères : l’assimilation, volontaire ou forcée, par un État impérieux et égalitaire qui veille à ce que ne se constitue pas, au fil des générations, une population étrangère exclue du corps de la nation. Aux yeux de Fernand Braudel, cette assimilation a été la clef de l’« intégration sans douleur » de ces immigrés qui « se sont confondus vite dans les tâches et les replis de notre civilisation », tandis que leurs cultures d’origine « ont apporté une nuance de plus à notre culture complexe ».
    Sans douleur pour la France. Mais pas pour l’immigré. Pour devenir français, l’immigré devait se dépouiller d’une partie de son identité, conceptions religieuses heurtées par les rigueurs mécréantes de la laïcité, vêtements, nourriture, mode de vie, langue, jusqu’au prénom des enfants. « Juif à la maison, français dans la rue », résumèrent admirablement les israélites qui se voulurent longtemps les meilleurs élèves de l’assimilation à la française. Ce ne fut pas sans souffrances ni découragement. On prétend aujourd’hui qu’Italiens et Polonais se fondirent aisément dans une population européenne et catholique. Dans son livre sur les immigrés italiens, Voyage en Ritalie , l’historien Pierre Milza révèle que près des deux tiers des Italiens sont repartis, et près de la moitié des Polonais : « Si on peut estimer à 3 500 000 l’effectif des migrants transalpins qui ont pris, entre 1870 et 1940, le chemin de la France (…) le nombre de ceux qui ont fait souche ne dépasse guère 1 200 000 ou 1 300 000 personnes » Sont restés les plus assimilables, qui mettaient l’amour de la France et le destin de leurs enfants dans la « grande nation » au-dessus de leurs traditions familiales et communautaires.
    Pourquoi la France exige-t-elle tant de ceux qui la rejoignent ? Un complexe inouï de supériorité culturelle, qui persuade les Français que leur art de vivre, leur culture, leur civilisation, sont supérieurs ? Sans conteste. Dès le XVII e siècle, La Bruyère les avait pourtant prévenus : « Tous les étrangers ne sont pas des barbares et tous nos concitoyens ne sont pas civilisés. » Les Français n’en avaient cure. Ils reprirent l’ancienne distinction gréco-romaine qui englobait le reste du monde sous la terminologie méprisante de « Barbares ».
    Lawrence d’Arabie, nous observant avec cette lucidité distanciée des Anglais que donne la détestation amusée qu’ils nous vouent, comparait très pertinemment dans son récit épique Les sept piliers de la sagesse les comportements opposés des Anglais et des Français à l’égard des populations alors colonisées : « Les Français, bien que partant d’une doctrine analogue du Français incarnant la perfection de l’humanité (dogme chez eux et non pas secret instinct), ont continué au contraire à encourager leurs sujets à les imiter : même si ces derniers ne pouvaient jamais arriver à leur hauteur, leur mérite pourtant serait plus grand s’ils s’en approchaient. Nous considérons l’imitation comme une parodie ; eux, comme un compliment. »
    Les Français copiaient une fois encore les Romains qui assimilèrent progressivement les Gaulois, en sélectionnant des élites gallo-romaines, et accordèrent la citoyenneté romaine et l’entrée au Sénat aux plus brillants d’entre eux. Michelet prétendait que le discours de l’empereur Claude admettant les Gaulois au sein du Sénat romain était « le signe de notre initiation dans le monde civilisé ». La France fît de même avec ses colonisés, le normalien Senghor ou encore le ministre Houphouët-Boigny incarnant la quintessence de l’Afro-Français, donnés en modèle d’assimilation aux autres Africains.
    Mais Gibbon nous a aussi appris dans son célèbre Déclin et chute de l’Empire romain , que la décadence de Rome s’inscrivit dans son impuissance croissante à assimiler les populations barbares. Dans le même temps, la nouvelle foi chrétienne remplaçait lentement mais sûrement l’antique Vertu de la République romaine tant décriée, brocardée,

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