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Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Sanson
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grandes exécutions se présentent moins qu’on ne pense dans le cours de nos existences d’exécuteurs. Celles qui alors réclamaient le plus souvent le ministère de mon aïeul étaient la fustigation et la marque, punitions habituelles des voleurs et des faussaires. J’en pourrais faire une longue énumération ; mais elle n’inspirerait au lecteur qu’un sentiment de dégoût, sans exciter son intérêt.
    Nos lois modernes, qui tiennent plus de compte de la dignité humaine, ont aboli les peines corporelles. La marque et le carcan ont disparu l’un après l’autre ; je les ai vu rayer de mes funestes attributions. La mutilation, qui précédait l’exécution des parricides, est tombée en désuétude, comme un raffinement de cruauté indigne d’une société civilisée. La crémation des cadavres, la dispersion de leurs cendres au vent, tout cela ne serait plus aujourd’hui qu’une odieuse fantasmagorie qui soulèverait la conscience publique et avilirait la justice. Il ne reste debout que l’échafaud et la mort donnée au nom de la loi ; une voix intérieure annonce au vieux descendant des bourreaux que ces derniers fétiches de barbarie ne tarderont pas à être emportés comme les autres par le souffle du progrès, et que la législation, retrempée aux sources éternelles de la religion reconnaîtra enfin l’inviolabilité de la vie humaine, œ uvre de Dieu, que seul il a le droit de détruire.

IV – DESRUES
     
     
    J’ai dit plus haut que nous étions loin d’apporter une âme également sereine dans toutes les exécutions qu’il nous était ordonné d’accomplir ; j’ai raconté comment ce glaive de la justice, que la fiction fait sourd et aveugle, pouvait éprouver le vertige du doute en accomplissant sa terrible mission, comment le sang répandu pouvait laisser dans nos âmes ces vagues inquiétudes qui ressemblent de si près au remords. Quelquefois aussi, la grandeur du forfait que nous avions à châtier triomphait de l’impassibilité que la loi exige de son ministre ; lorsqu’elle nous commandait de faire rentrer dans les ténèbres quelqu’un de ces monstres à face humaine, que l’enfer vomit quelquefois pour l’épouvantement des générations, nous ne pouvions ne pas éprouver une émotion profonde en portant la main à ce qui pouvait alors vraiment paraître l’épée de Dieu.
    Antoine-François Desrues fut un de ces monstres.
    Ses crimes inspirent à la fois une secrète terreur et un invincible dégoût. On s’épouvante de cette hypocrisie qui atteint quelquefois au génie, et on ne saurait toucher à cette fange de sentiments bas et pervers, qui tous ont l’assassinat pour moyen et la cupidité pour but, sans sentir le cœur se soulever.
    Antoine-François-Michel Desrues était né à Chartres, le 20 janvier 1744.
    Son père, Michel Desrues, était marchand de blé, si on s’en rapporte au contrat de mariage de François-Michel ; mais les pièces de la procédure lui donnent la profession d’aubergiste. Il est probable qu’il exerçait simultanément les deux états : le second lui ménageant avec les fermiers beaucerons des relations dont devait singulièrement profiter le premier.
    Michel Desrues mourut en 1748, en laissant quatre enfants dont le personnage qui nous occupe était l’aîné. Lorsque les crimes de Desrues eurent attiré la célébrité sur son nom, une de ses sœurs était professe, l’autre novice au couvent des Dames de la Visitation, à Chartres ; le frère était cabaretier.
    Resté orphelin à l’âge de quatre ans, car sa mère avait suivi de bien près son père dans le tombeau, François-Michel Desrues fut recueilli par un de ses oncles.
    Pour Desrues, comme pour Cartouche, la légende n’a pas manqué d’émailler le premier âge de perversités enfantines par lesquelles le bambin prélude aux forfaits de son âge mûr. Malheureusement, les historiettes que racontent les deux biographes de Desrues, Cailleau et Baculard d’Arnaud, ne sont pas d’accord avec le trait caractéristique de la physionomie de ce criminel, une hypocrisie poussée jusqu’à ses dernières limites ; cela seul me ferait douter de leur authenticité et je me dispenserai de les reproduire. D’ailleurs, il me semble que cette curiosité qui s’attache aux criminels exceptionnels ressemblerait par trop à de l’intérêt, si elle allait jusqu’à s’enquérir des moindres détails de leur enfance.
    Son oncle l’avait mis en apprentissage chez

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