Mémoires de 7 générations d'exécuteurs
embarrassait.
Desrues passa dix jours au Buisson-Souef.
La veille de son départ et devant Me Ménage, notaire à Villeneuve-le-Roi, Desrues offrit du domaine une somme ronde de cent trente mille livres ; mais comme l’époque de la liquidation de la succession Despleignes restait indéterminée, il lui convenait de demander des termes pour le paiement de la somme ; il demandait donc à compter à madame de la Motte douze mille livres en signant le contrat, dix-huit mille livres trois mois après, et les cent mille livres de reliquat en deux paiements égaux, effectués d’année en année, après la troisième année de son entrée en possession.
Desrues revint à Paris tout joyeux. Il prenait au pied de la lettre cet axiome qui prétend que « qui a terme ne doit rien. » Les échéances sérieuses étaient assez éloignées pour qu’il ne s’en souciât que médiocrement ; il espérait bien faire face aux premiers paiements à l’aide de ses ressources ordinaires, et pendant les trois années de répit qu’il avait obtenues, il comptait exploiter le Buisson-Souef aussi largement qu’il avait exploité la succession Despleignes du Plessis.
Le ménage de la Motte n’était pas moins satisfait que Desrues ; madame de la Motte arrivait à Paris bien peu de temps après le retour de son acquéreur dans cette ville, elle descendait dans la demeure de celui-ci, qui était rue des Ménétriers, dans un entresol de l’ancien hôtel de Saluces, et le 22 décembre 1775, elle signait un acte sous seing-privé, par lequel M. et madame Desrues de Bury s’engageaient à payer les termes convenus, mais à une époque encore indéterminée, même pour les premiers, et qui serait fixée suivant les rentrées de la liquidation Despleignes. Seulement madame de la Motte obtenait de Desrues une somme de quatre mille deux cents livres à titre d’épingles, et pour laquelle il lui remit son billet à trois mois de date.
Ce n’était pas là ce qu’avaient espéré M. et madame de la Motte ; mais la crainte de perdre un acquéreur les rendit accommodants ; d’ailleurs Desrues ne négligea rien pour rendre la fascination plus complète ; huit jours ne s’étaient pas écoulés depuis la signature du sous-seing privé, dont je viens de parler, qu’il faisait une seconde apparition au Buisson-Souef, où il s’occupa des préliminaires de son installation avec une ardeur qui eut trompé de plus clairvoyants chicaneurs sur les détails, revendiquant certaines réserves que les propriétaires entendaient faire, en homme qui sait compter et qui veut de la marchandise pour son argent.
Cependant l’échéance du billet souscrit pour le montant du pot-de-vin, apporta au Buisson-Souef une première déception ; ce billet ne fut point soldé. Mais Desrues alla au-devant du danger ; il courut au Buisson-Souef, rejeta son embarras sur l’interminable liquidation, se plaignit, mais plaignit davantage ses vendeurs, leur offrit généreusement, si les délais qui lui étaient nécessaires leur paraissaient trop longs, de renoncer à cette affaire, paya de ses deniers quelques créanciers importuns, et pendant les divers séjours qu’il fit au château, ensorcela non seulement les châtelains, qui arrivaient tout doucement à ne plus se considérer que comme les administrateurs du domaine ; mais se ménagea encore, avec cette profondeur de vues qui caractérise toutes ses actions, de nombreuses liaisons avec les plus respectables ecclésiastiques du pays, qui devaient le servir indirectement dans l’œuvre ténébreuse, qui commençait certainement à germer dans son cerveau.
Cependant, si grande que fût la patience de M. et de madame de la Motte, au mois de décembre 1776, elle commença de se lasser ; leur besoin d’argent était pressant, cette situation équivoque insoutenable ; madame de la Motte, malgré la nonchalance qui la caractérisait, prit le parti d’aller à Paris, bien décidée à pousser l’acquéreur dans ses derniers retranchements et à le contraindre à faire honneur à sa signature.
Elle avait demandé à M. Joly, son procureur, de vouloir bien lui arrêter un appartement à Paris. Celui-ci lui trouva, dans la rue du Paon, auprès de la maison dans laquelle il demeurait lui-même, quelques pièces qu’une femme du rang de madame de la Motte pouvait très convenablement habiter, et elle commença ses préparatifs de départ.
Mais M. de la Motte, auquel les incroyables lenteurs
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