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Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Sanson
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personnes,
    Maître Mathurin avait les qualités de ses défauts ; s’il exagérait le culte de la tradition, il poussait également jusqu’au sacrifice le respect des obligations de la famille. La veuve de son cousin Nicolas Verdier ne lui eut pas plutôt exposé ses besoins, qu’il était venu à son aide, et que, pour alléger ses charges, il lui avait donné un petit appartement au second étage de sa maison.
    Ceci se passait à peu près à l’époque où Jean-Louis abandonnait ses études. J’ai raconté combien la transition de la société douce et polie dans laquelle il avait été élevé au rude compagnonnage qu’il trouvait à l’atelier lui avait été pénible. Ses goûts et son passé lui créaient un véritable isolement au milieu de la maison paternelle ; il fut tout heureux de se réfugier dans l’intimité de deux êtres que leur faiblesse et leur malheur désignaient à sa sympathie, de la veuve et de la fille. Il passait auprès d’elles une partie de ses soirées.
    Hélène Verdier, c’était le nom de la petite fille, avait alors neuf ans ; c’était une enfant dont les traits fins et réguliers, annonçaient déjà la grande beauté future. Elle était simple, modeste, affectueuse, intelligente. Jean-Louis se prit tout de suite d’une vive amitié pour elle. Cette amitié ne fut peut-être pas exempte à son principe de petites satisfactions personnelles. Comme tous les écoliers, le jeune maréchal-ferrant n’était pas peu fier de son savoir, il fut très sensible à cette occasion de lui trouver un débouché ; il entreprit, l’éducation d’Hélène, en lui donnant des leçons de lecture et d’écriture.
    Sans qu’il s’en aperçût, sans qu’il le soupçonnât, les sentiments que lui inspirait cette enfant grandirent et se modifièrent à l’ombre de cette tendre pédagogie. Pendant longtemps il crut ne pas aimer autre chose qu’une écolière studieuse, docile, et dont la facilité et les progrès faisaient honneur à son maître ; il caressa un penchant qui lui semblait sans danger, et ce ne fut que lorsque son départ de la maison paternelle l’eut violemment séparé d’Hélène, qu’il devina à la douleur qui étreignait son cœur que ce cœur n’avait point été le complice de cette naïve illusion et que la jeune fille l’avait bien autrement passionné que l’élève.
    A son grand étonnement, l’injuste haine que lui portait son père, les conséquences qu’elle devait avoir pour lui, la perte d’une affection à laquelle il assignait le premier rang entre toutes, lui paraissaient bien moins difficiles à supporter que son éloignement de sa jeune amie. En vain voulait-il que le vieillard fût l’unique objet de ses regrets et de son désespoir, malgré lui et toujours, ces regrets et ce désespoir balbutiaient le nom d’Hélène.
    Il résolut de se rapprocher d’elle à tout prix.
    Il l’attendit pendant deux jours au coin d’une impasse devant laquelle elle passait ordinairement pour aller faire ses provisions, mais il ne la vit pas sortir.
    Son inquiétude fut extrême ; il interrogea là servante qui lui apprit que depuis quelque temps Hélène ne quittait plus sa mère, que c’était elle qui, d’après les ordres de maître Mathurin, leur achetait ce dont elles avaient besoin.
    Déçu une première fois, il essaya d’une autre tactique ; il guetta l’instant où des travaux appelleraient son père hors du logis, et, se cachant le visage sous son chapeau, il traversa rapidement l’allée, pénétra dans la maison et monta au second étage.
    L’émotion qu’il éprouvait put lui fournir la mesure de la violence de ce qu’il avait supposé n’être qu’une affection presque fraternelle.
    Il heurta. On fut assez longtemps sans lui répondre ; il entendit le bruit sourd de portes qu’on refermait, enfin la veuve Verdier parut sur le seuil et l’introduisit dans la chambre.
    Hélène n’était pas dans cette pièce ; l’attitude de la veuve était froide et sévère, à peine si elle dit à Jean-Louis de prendre un siège.
    Celui-ci éprouvait pour la première fois un indicible embarras auprès de la mère de celle qu’il aimait ; il balbutiait des mots sans suite, dont lui-même ne paraissait pas comprendre le sens. Ses pensées comme ses regards étaient concentrés sur la porte de la seconde pièce dans laquelle il devinait que devait se trouver Hélène.
    Jean-Louis était enfin parvenu à maîtriser son

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