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Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Sanson
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émotion ; mais toujours sous l’impression du même sentiment, les premières paroles qu’il articula étaient pour demander à voir Hélène.
    La veuve Verdier lui répondit que sa fille était occupée, qu’il était impossible de la déranger.
    Jean-Louis soupira ; mais assez candide pour ne pas s’apercevoir du changement qui s’était, opéré dans la façon dont on le recevait chez sa cousine, il répliqua en rougissant que peut-être valait-il mieux qu’il en fût ainsi et qu’ils pourraient de la sorte causer plus à leur aise.
    Alors, et sans plus de préambule, il raconta à madame Verdier comment il avait découvert qu’il aimait sa jeune cousine, il lui peignit avec l’enthousiasme sincère de la passion les progrès de cette affection, et il termina en suppliant la veuve de lui donner Hélène pour femme.
    En l’écoutant, la physionomie de madame Verdier devenait de plus en plus renfrognée ; lorsqu’il eut fini, elle lui répondit fort nettement que ce n’était pas au moment où il avait mérité la juste colère de son père et compromis son avenir, qu’il fallait songer à de pareils projets. Que du reste, elle avait d’autres vues sur son enfant, qui ne pouvait appartenir à un garçon dont tous les honnêtes gens condamnaient les principes.
    Jean-Louis resta stupéfait. Non seulement il avait toujours supposé que son projet devait avoir l’assentiment de la veuve qui, bien que sa parente, était si loin de pouvoir espérer pour sa fille un si riche parti ; mais, jusqu’alors elle avait toujours blâmé la conduite de maître Mathurin, sinon ostensiblement, du moins lorsque Jean-Louis venait se consoler auprès d’Hélène, et plus d’une fois elle avait excité le fils à ne pas supporter davantage ces injustes rigueurs.
    Il se donna le tort de rappeler à la Verdier quelles avaient été ses opinions premières, et cet appel à des souvenirs qu’elle répudiait ressemblait trop à un reproche pour ne point achever d’aigrir la veuve. Avec la maladresse des cœurs tendres et sincères, il comprit trop tard la faute qu’il avait commise et il fut loin de la réparer en s’humiliant devant cette femme acariâtre, en la conjurant de ne pas le réduire au désespoir. Jusque-là, la mère d’Hélène n’avait été que dure et brutale ; devant ce témoignage de la faiblesse du jeune homme elle devint insolente ; elle lui ordonna de sortir de chez elle et le menaça de son père, s’il osait y remettre les pieds.
    Quelques jours après cette scène, la servante lui confiait que la cousine Verdier avait pris dans la maison un empire dont chacun s’étonnait et qui l’inquiétait elle-même. Bientôt les causes de cette influence n’étaient plus un mystère pour personne, et la rumeur publique apprenait à Jean-Louis que son père allait épouser, la fille de la pauvre veuve qu’il avait secourue.
    Pendant quelques instants, le jeune homme se trouva dans la position de quelqu’un que la foudre a frappé. Non seulement pendant un instant le sang cessa de circuler dans ses artères et il demeura comme paralysé, mais il semblait avoir perdu l’usage de ses facultés, et sa douleur si violente ne trouvait pas le moyen de se manifester. — Enfin, sa gorge se gonfla, un cri rauque s’échappa de sa poitrine ; en même temps des larmes jaillissaient de ses yeux et ses sanglots éclataient sans qu’il se souciât de les dissimuler à celui qui lui avait annoncé cette nouvelle, et qui le quitta bien surpris de l’effet qu’elle avait produit.
    Jean-Louis s’en alla tout chancelant se réfugier dans la mansarde qu’il occupait dans la maison de M. Lecointre ; il se laissa tomber sur son lit et passa toute la nuit à gémir et à se désespérer.
    Le lendemain, lorsqu’il descendit au magasin, le bouleversement de son visage, l’altération de ses traits, frappèrent le marchand de toiles qui lui demanda ce qu’il avait.
    D’abord Jean-Louis ne put répondre que par des larmes ; mais M. Lecointre s’impatientant le gourmanda de sa faiblesse, et le jeune homme parvint à maîtriser suffisamment sa douleur pour pouvoir exposer à son patron ce que je viens de raconter moi-même.
    Lecointre, qui joua plus tard un rôle important dans la Révolution, était un homme brutal, emporté, d’une violence presque folle ; mais chez lui, comme chez nombre de personnages de cette époque unique, l’exagération dans tout ce qui touchait la politique, n’excluait pas

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