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Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Sanson
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différentes.  
    Jean-Louis Louschart était enfermé dans une des logettes du rez-de-chaussée ; il était couché sur un grabat. Au bruit des verroux que tirait le guichetier, il se dressa sur son séant et considéra avec calme ceux qui pénétraient dans son cachot.
    Le greffier du Parlement lui lut la sentence, qu’il écouta avec une grande attention. Quand celui-ci eut fini de parler, il murmura quelques mots inintelligibles parmi lesquels on distinguait seulement ceux de : pauvre père ! puis il ajouta tout haut :
    — Dans deux heures je me justifierai devant lui ; mais non, ajouta-t-il d’une voix frémissante et en s’adressant au curé de Saint-Louis, qui venait d’entrer, il n’a pu croire que son fils l’avait volontairement frappé, n’est-ce pas, monsieur ?
    Le prêtre s’approcha de lui, l’embrassa ; les hommes de la justice se retirèrent et les laissèrent seuls.
    Un ordre des juges commissaires vint interrompre le pieux tête-à-tête.
    Charles-Henry Sanson passa sa tète par l’entrebâillement de la porte et fit signe au condamné qui, en ce moment agenouillé devant le prêtre, recevait la bénédiction.
    Jean-Louis Louschart comprit cette muette injonction, et, se retournant du côté de l’exécuteur, il lui dit avec un douloureux sourire : .
    — Vous n’êtes pas plus pressé que moi, monsieur ?
    On monta en charrette à quatre heures et demie du matin ; les juges commissaires avaient espéré que, grâce aux dispositions du retentum , tout serait fini avant que la population ne fût éveillée,  
    Mais, en sortant de la prison, on put reconnaître combien ces dispositions étaient vaines.
    Malgré l’heure matinale, les abords de cette prison regorgeaient de inonde, l’affluence était prodigieuse ; ces rues de Versailles que les chaises, que les carrosses de la cour animaient sans les peupler ; ces rues si tranquilles, si mornes même, lorsque la somptueuse cité n’était pas encore tombée au rang des nécropoles, étaient envahies par les flots sans cesse croissants d’un véritable océan humain. Hommes, femmes, vieillards, enfants, tout était au dehors, et on reconnaissait à leurs costumes bon nombre de campagnards des environs, qui étaient venus se réunir aux citadins. En même temps cette paisible population paraissait en proie à une agitation fiévreuse. L’apparition de la charrette fut saluée par des clameurs assourdissantes, et ce fut avec les plus grandes, peines que le véhicule put se frayer un passage dans la foule.
    Le condamné ne semblait pas soupçonner que ce mouvement put être la conséquence des sympathies qu’il excitait. Peut-être y voyait-il encore l’indice du sentiment de répulsion qui s’était manifesté lors de son arrestation. Il écoutait avec recueillement les exhortations de son confesseur, et ne levait pas les yeux sur ceux qui l’entouraient.
    Cependant, au coin de la rue de Satory, un cri lamentable, un appel désespéré domina un instant les frémissements de la multitude, et on vit une jeune fille, pâle comme une morte ; qui agitait un moucboir.
    Au son de cette voix, Jean-Louis Louschart avait relevé la tête, et aussitôt, et malgré les liens qui enlaçaient ses bras et ses jambes, il se dressa debout en se tournant du côté de la jeune fille. Ses yeux étaient pleins de larmes, les premières qu’on lui eût vu verser depuis le matin ; il essaya de sourire, puis on l’entendit qui murmurait :
    — Adieu, Hélène, adieu !  
    A cet instant, un forgeron d’une taille colossale qui, depuis la sortie de la prison avait toujours marché à la hauteur de la charrette, s’avança, et, s’accrochant aux ridelles, cria d’une voix retentissante :
    — C’est à revoir qu’il, faut dire, Jean-Louis. Est-ce qu’on roue les braves gens comme toi ?  
    Un cavalier le repoussa ; mais les applaudissements qui éclatèrent prouvèrent que cette opinion avait pour partisans tous ceux qui se trouvaient là, et qu’ils ne croyaient plus avoir besoin de la dissimuler.
    A la physionomie contractée du greffier, des exempts et des soldats qui entouraient la voiture, il était évident qu’ils dépassaient les appréhensions que mon grand-père avait conçues dès la veille.
    Cependant, on arriva sans encombre au pied de l’échafaud. Sur la place Saint-Louis, l’agglomération du peuple était immense, car tous ceux qui se trouvaient dans les rues avaient suivi le cortège.
    Au moment où la

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