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Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Sanson
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femme à la démarche imposante et majestueuse, splendidement parée, et suivie de deux autres dames et d’un gentilhomme, lui apparut, sur le perron de la double rampe de l’escalier. Tous les fronts s’inclinèrent à son aspect, car l’huissier venait en ouvrant la grande porte à deux battants, de prononcer, d’une voix retentissante, ces mots’ :
    — La reine !  
    Au même instant sortait par une petite porte dérobée, donnant sur les tribunes de la chapelle, une jeune personne vêtue d’une modeste robe de taffetas glacé à guimpe, mais dont les traits purs et harmonieux respiraient une bonté angélique. Dès que la reine l’aperçut, une expression affectueuse se peignit sur son visage.
    — Eh ! Venez donc, chère sœur ! s’écria-t-elle, je ne vous ai pas vue aujourd’hui.  
    — Ce sont nos deux princesses : la reine et madame Elisabeth, dit à Charles-Henry Sanson l’huissier qui le reconduisait hors du palais.  
    — Je ne sais celle qui impose le plus, répliqua vivement mon aïeul ; mais si la première a l’air de la plus grande princesse de la terre, l’autre a l’air d’une princesse du ciel !  
    En disant cela il franchissait avec son guide le vestibule qui donnait sur la cour d’honneur, traversait cette cour et gagnait enfin la grille, heureux de prendre congé de si illustres hôtes. Un malaise indéfinissable, une gêne dont il ne pouvait se rendre compte avaient pesé sur lui tout le temps qu’il était resté dans ce palais. Était-ce l’embarras d’approcher pour la première fois de si près les puissants du royaume ? Je ne le crois pas : Charles-Henry Sanson, je l’ai dit ailleurs, et la suite de ces Mémoires le prouvera bien, était doué d’une énergie de caractère et d’une force de volonté qui le mettaient à l’abri de pareilles faiblesses.
    Il faut bien le reconnaître : la Providence nous donne quelquefois des intuitions vagues et mystérieuses que nous subissons sans les comprendre, et il y avait quelque chose de prophétique dans le serrement de cœur inexprimable que mon grand-père éprouva à cette audience royale, où une coïncidence étrange lui fit entrevoir pour la première fois et presque du même coup d’œil, les trois plus nobles têtes désignées à son fatal couteau.

XIV - PROCÈS AVEC LA PRESSE
     
     
    C’est vers la fin de cette même année 1789, si remplie d’événements, que la question d’une réforme de notre législation pénale fut soulevée devant cette grande Assemblée nationale qui restera, par l’étendue et l’importance de ses travaux, l’éternel honneur et le modèle des pouvoirs constituants. Dès le mois d’octobre, le docteur Guillotin, député du tiers-état de Paris, avait fait une motion tendant à ce que la peine de mort fût infligée d’une manière uniforme, sans distinction de classe, et que ce fût la décapitation, considérée comme le mode le plus sûr, le plus prompt et le moins douloureux. Cette motion, d’abord ajournée, fut reproduite par son auteur le 28 novembre, et mise enfin à l’ordre du jour de la séance du 1er décembre. La première proposition fut adoptée avec enthousiasme par une Assemblée essentiellement égalitaire et composée de députés qui avaient presque tous reçu de leurs électeurs le mandat de demander l’abolition des anciens supplices. Mais il n’en fut pas de même de la seconde proposition, dont l’adoption définitive tarda encore de plus de deux ans, à cause des recherches que l’on fit sur le système de décollation à employer. Je reviendrai plus loir sur ce sujet pour, faire l’historique exact et fidèle de ces recherches, et raconter comment elles aboutirent à l’instrument actuel des exécutions.  
    Enfin l’Assemblée compléta l’ œ uvre commencée par la déclaration des droits de l’homme, en fixant la condition du citoyen appelé à jouir des droits politiques, et ce fut pour mon grand-père l’occasion d’une manifestation que je ne puis passer sous silence. On se rappelle sans doute son plaidoyer dans le singulier procès que lui avait intenté la marquise de… après leur souper fortuit dans une hôtellerie de voyage. Ce plaidoyer montrait chez mon grand-père une appréciation de son emploi que l’habitude, et l’influence de l’éducation domestique peuvent seules expliquer. Plus tard de bien cruelles épreuves devaient considérablement modifier ses idées à cet égard ; mais alors, il faut bien le

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