Mémoires de 7 générations d'exécuteurs
de nos formes et la sagesse de nos principes. Je laisse aux lumières du ministère public les conclusions ultérieures qu’il convient de prendre ; j’observe, en terminant, que l’impression et l’affiche de trois mille exemplaires de votre sentence à intervenir, suffiront à peine pour désabuser cette ville et la province des calomnies dont se plaint celui que je défends ; il attend de votre justice un jugement qui apprenne à la France et à l’Europe entière que le bon ordre est l’objet continuel de votre sollicitude, que les droits de tous les citoyens vous sont également précieux et que vous ne faites acception de personne.
Telle fut la plaidoirie de M e Maton de la Varenne. Les journalistes présents à l’audience, à l’exception de Gorsas, s’offrirent tous à rétracter leurs allégations, et le tribunal statua par plusieurs jugements, mais dont les dispositifs étaient identiques. Les sieurs Prudhomme, de Beaulieu, Descentis et Camille Desmoulins furent condamnés à insérer la rétractation dans le plus prochain numéro de leurs journaux, aux frais de l’instance, et enfin il leur fut enjoint d’être plus circonspects à l’avenir et d’avoir à s’abstenir de pareilles imputations.
Contre Gorsas défaillant, le Tribunal rendit le jugement suivant :
Ouï M” Maton de La Varenne en son plaidoyer, ensemble le Procureur-syndic adjoint de la commune en ses conclusions,
Le Tribunal donne défaut contre le sieur Gorsas ; faisant droit au principal, ordonne que le paragraphe inséré dans le numéro 19 du journal intitulé le Courrier de Paris dans les provinces , avec cette épigraphe : Vires acquirit eundo , ledit paragraphe commençant par ces mots : Il s’est beaucoup agi de l’exécuteur des arrêts criminels , et finissant par ceux-ci : avec autant d’éloquence qu’on a prouvé à l’Assemblée nationale qu’il devait être éligible , sera et demeurera supprimé comme calomnieux ; ordonne que ledit Gorsas sera tenu de se rétracter dans le plus prochain numéro de son journal ; le condamne à cent livres de dommages et intérêts envers la partie de M e Maton de La Varenne, applicables, du consentement de ladite partie, aux pauvres du district de Saint-Laurent ; fait défenses audit Gorsas de récidiver, sous toutes peines qu’il appartiendra ;
Ordonne que le présent jugement sera imprimé et affiché au nombre de trois cents exemplaires, aux frais dudit Gorsas, et envoyé aux soixante districts. Sur le surplus des demandes, met les parties hors de Cour, et condamne ledit Gorsas aux dépens, etc.
Gorsas, d’une moralité plus que douteuse, puisqu’il avait été enfermé moins de deux ans auparavant à Bicêtre, pour avoir abusé de quelques petits garçons dans une pension dont il était directeur, fut le seul qui voulut prolonger la lutte. Il forma opposition à ce jugement, et l’affaire revint devant le Tribunal pour statuer sur cette opposition, à l’audience du 3 février. Dans l’intervalle, il avait continué contre mon grand-père un système d’agression aussi grossier qu’absurde.
Ce fut pour M e Maton de la Varenne l’occasion d’une nouvelle plaidoirie que je puis cette fois donner en entier :
Messieurs,
Le jugement aussi doux qu’équitable que vous avez rendu le 27 du mois dernier contre le sieur Gorsas, sur les conclusions du ministère public, nous avait fait croire que ce journaliste s’empresserait d’y souscrire et de réparer ainsi une faute digne de toute votre sévérité. Mais nous reconnaissons que nous avons pensé de lui trop favorablement.
Le sieur Gorsas, égaré sans doute par des conseils perfides, a formé opposition à votre sentence ; se ferait-il donc illusion jusqu’au point de croire qu’on peut calomnier impunément les gens de bien parce qu’ils paraissent sans protecteur et sans appui ? Ignore-t-il donc que les tribunaux sont ouverts à tous les hommes sans distinction, et que les libellistes y trouvent toujours le châtiment réservé aux ennemis du bien public ?
Vous avez vu, Messieurs, par la lecture du numéro 19 d’un libelle intitulé le Courrier de Paris dans les provinces, dont j’ai eu l’honneur de vous donner connaissance la semaine dernière, que l’adversaire y accuse celui que je défends, d’avoir eu chez lui des presses sur lesquelles s’imprimaient tous les abominables libelles qu’on faisait circuler dans les provinces pour exciter à la
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