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Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Sanson
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dernier, ce ne sont point les décrets si sages de l’Assemblée nationale qu’il se proposait d’accommoder à cette sauce maligne, mais les motions violentes et souvent saugrenues que les partis extrêmes commençaient déjà à porter à la tribune. Du reste Rozé n’était pas le seul qui eût eu l’idée de recourir à la poésie badine pour fronder les nouveautés de l’époque. La motion du docteur Guillotin sur l’unité des supplices et la décapitation lui avait valu l’honneur d’une sorte de complainte sur l’air du menuet d’Exaudet, dans laquelle on persifflait assez platement son inspiration, toute d’humanité et de philanthropie.  
    Quoi qu’il en soit, mon grand-père ne pouvait rester sous le coup d’attaques aussi directes. Si le point d’honneur lui eut conseillé de réclamer une satisfaction par les armes, le préjugé lui donnait la certitude que ses provocations seraient repoussées avec mépris, et qu’il ne rencontrerait point d’adversaire qui voulût se battre avec lui. Il ne trouva donc d’autre voie ouverte que celle d’une réparation judiciaire. En conséquence, il se résolut à déférer tous ces articles diffamatoires et leurs auteurs au tribunal de police de l’Hôtel-de-Ville de Paris, juridiction compétente pour connaître de ces sortes de délits.
    Plus heureux qu’en 1766, il trouva un avocat qui se chargea de soutenir sa plainte, et évita ainsi la peine de paraître et surtout de parler en public. Cet avocat était un digne homme, appelé M e Maton de la Varenne, qui prit tout à fait la cause à c œ ur et devint, à partir de ce moment, un véritable ami de notre famille. L’affaire fut appelée le 16 janvier 1790 ; mais, après la lecture des articles incriminés, elle fut continuée au 27 du même mois.  
    A cette seconde audience tous les délinquants comparurent, à l’exception de Gorsas, rédacteur du Courrier de Paris dans les Provinces et vice versa , qui fit défaut. Mon grand-père n’eut point de peine à prouver qu’il n’avait jamais été arrêté, que les presses étaient chez son locataire, le sieur Rozé, à qui il n’avait loué qu’après avoir eu les meilleures informations sur son compte, et enfin subsidiairement, et bien que ce ne fût pas indispensable à la cause, M e Maton de la Varenne établit que les écrits de ce dernier ne contenaient rien qui pût offenser le patriotisme le plus scrupuleux, puisque tout ce qui avait été saisi chez lui, lui avait été restitué le surlendemain, avec une autorisation de remettre ses presses en activité, délivrée par MM. les lieutenants du maire. Je crois bon d’ailleurs de donner ici quelques extraits du plaidoyer de M e Maton, que mon grand-père fit imprimer à l’époque, et dont j’ai conservé plusieurs exemplaires. C’est un curieux échantillon de l’éloquence un peu emphatique du temps ; mais on y trouve des réflexions justes et des passages bien sentis. Ces citations, du reste, valent bien ma pauvre prose, que je ne prodigue peut-être que trop à mes lecteurs.  
    Voici l’exorde de ce plaidoyer qui n’était pas sans hardiesse :
    MESSIEURS,
    Si l’avocat, interprète des lois, n’était pas impassible comme elles ; si les préjugés, ces enfants monstrueux d’une imagination en délire, pouvaient glacer son courage ; s’il n’accordait les secours de son ministère qu’à des hommes qui occupent un rang distingué dans la société ; si enfin il faisait acception des personnes, nous ne nous serions pas chargé de la cause que nous venons plaider à votre tribunal.  
    Mais, Messieurs, ce qui honore particulièrement notre ministère, c’est la protection spéciale que nous accordons au faible, à l’homme isolé que l’on opprime injustement, à la veuve, à l’orphelin que l’on dépouille, à l’accusé qui nous invoque. Toute considération qui pourrait nous empêcher de faire notre devoir serait un crime. Diffamation sans exemple, calomnies atroces, libelles infâmes, telles sont les armes dont quelques périodistes audacieux, sans frein comme sans pudeur, n’ont pas honte de se servir contre le citoyen irréprochable qui se trouve aujourd’hui forcé de réclamer votre justice.  
    Nous avons eu l’honneur, Messieurs, de vous lire, à votre audience du 16 de ce mois, les différents libelles périodiques où l’on présente celui, que je défends comme un des principaux chefs d’une aristocratie et de complots infâmes, tendant

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