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Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Sanson
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peur. C’est son supplice que j’ai à raconter. Nous sommes entrés dans la Révolution. Les morts vont vite, dit la ballade les morts ; m’attendent.  

XV - LFS FRÈRES AGASSE - LE MARQUIS DE FAVRAS
     
     
    J’ai fait assister mes lecteurs au dernier jour de la Roue , balayée en une heure par l’indignation populaire ; je vais leur montrer maintenant le dernier vestige de la pénalité du moyen âge : le gibet, encore debout à la Grève, oscillant sur sa base et s’abîmant à son tour. Mais, par une cruelle raillerie de la destinée, quelques jours avant l’heure où tous allaient être admis aux honneurs du supplice des gentilhommes : la décapitation, un gentilhomme devait affirmer cette égalité naissante, en mourant de ce supplice, jusqu’alors infâme, réservé aux seuls roturiers. Cette mort devait aussi avoir le triste privilège d’inaugurer en quelque sorte la longue suite de meurtres politiques qui allaient bientôt couvrir la France de deuil et de sang.  
    Le 21 janvier 1790, cette date est assez remarquable, l’Assemblée nationale avait proclamé l’égalité des supplices.
    Je trouve, dans le numéro 28 des Révolutions de Prudhomme, le compte-rendu de cette séance :  
    Séance du soir du jeudi 21.  
    Après les dons patriotiques et la lecture des Adresses, parmi lesquelles on a remarqué celles des citoyens patriotes de la ville de Grenoble, on a entendu un rapport relatif aux acquits à caution, sur lequel l’Assemblée a déclaré n’y avoir lieu à délibérer.
    On a repris la motion de M. Guillotin sur les peines, et l’on a décrété les articles suivants :
    « Les délits du même genre seront punis par le même genre de peines, quels que soient le rang et l’état des coupables.
    « Les délits et les crimes étant personnels, le supplice du coupable et les condamnations infamantes quelconques n’impriment aucune flétrissure à sa famille. L’honneur de ceux qui lui appartiennent n’est nullement entaché, et tous continueront d’être admissibles à toutes sortes de professions, d’emplois et de dignités.
    « La confiscation des biens des condamnés ne pourra jamais être prononcée en aucun cas.
    « Le corps du supplicié sera délivré à sa famille, si elle le demande. Dans tous les cas, il sera admis à la sépulture ordinaire, et il ne sera fait sur le registre aucune mention du genre de mort. »
     
    Cette loi était la base de l’ordre nouveau qui allait se compléter par l’abolition de l’hérédité nobiliaire, et dès le 4 février suivant, l’exécution des frères Agasse démontra que cette fois le sentiment du peuple était avec ses législateurs.
    Deux jeunes gens d’une excellente famille, les frères Agasse, avaient été arrêtés et condamnés à mort pour contrefaçon et émission de faux billets de caisse.
    Leur grand-père, vénérable vieillard de quatre-vingts ans, était alors président du district Saint-Honoré.
    Le 23 janvier, dans l’assemblée générale de ce district, M. Baron de Girons prit la parole et, mettant en pratique les généreuses intentions de la nouvelle législation, exposa les sentiments qui éloignaient le respectable président de cette réunion, et proposa d’aller lui offrir les consolations qu’un sentiment de fausse honte l’empêchait de venir chercher au milieu de ses concitoyens, unanimes à flétrir l’odieux préjugé qui couvrait une famille d’opprobre parce que quelqu’un de ses membres avait dégénéré de ses vertus.
    La motion de M. de Girons fut accueillie avec un grand enthousiasme. Une députation partit immédiatement et ramena M. Agasse accompagné d’une partie de sa famille ; d’unanimes applaudissements le saluèrent lorsqu’il prit possession du fauteuil.
    Ce généreux enthousiasme alla plus loin, et l’assemblée pour donner au frère des condamnés un nouveau témoignage de sa sympathie, exprima le vœu que le jeune Agasse fût nommé lieutenant dans la compagnie de grenadiers du bataillon et sollicita, pour cette nomination l’agrément de M. de Lafayette, commandant général, qui, s’associant à l’élan de ses subordonnés, voulut faire au jeune officier les honneurs d’une réception solennelle.
    Les frères Agasse furent exécutés le 8 février..
    Je laisse encore une fois la parole à Prudhomme. Je cite in extenso sa relation, empreinte de cette exaltation fiévreuse qui peint, mieux que je ne le saurais faire, les sentiments de l’époque

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