Mémoires de 7 générations d'exécuteurs
à empêcher l’heureuse régénération qui se prépare ; vous avez vu que sa maison y est désignée comme le repaire infâme où se rassemblent les ennemis de la nation pour concerter sa ruine, comme le foyer de toutes les conjurations qui nous alarment, comme le laboratoire impur où se fabriquent tous les écrits crapuleusement incendiaires qui inondent la capitale et les provinces ; vous avez eu des transcriptions d’interrogatoires qui n’ont jamais été subis par mon client, et les aveux qu’on lui fait faire de ses prétendus crimes. Sans doute, Messieurs, vous avez été saisis d’indignation, comme tous les bons citoyens, en voyant jusqu’à quel point la malignité peut égarer des écrivains dont les talents seraient utiles à leur patrie, s’ils les employaient à lui montrer ses privilèges et ses droits, à éclairer les peuples, à instruire les rois et les dépositaires de l’autorité. Daignez écouter une nouvelle lecture de ces licencieux pamphlets ; elle vous fera voir que jamais la diffamation et la calomnie ne se montrèrent avec plus d’audace, et vous sentirez combien il est nécessaire de réprimer promptement des désordres qui exposent la sûreté individuelle de celui que je défends.
Ici M e Maton de la Varenne fit une seconde lecture des articles, en appelant l’attention du Tribunal sur les passages incriminés, et, après cette lecture, il reprit son plaidoyer ainsi :
Je vous le demande, Messieurs, je le demande au public qui m’entend, je le demande aux sieurs Prudhomme, Gorsas, de Beaulieu, Descentis et Desmoulins eux-mêmes, et à leurs imprimeurs et distributeurs : la diffamation et la calomnie peuvent-elles verser leurs poisons avec plus de fureur ? Non, sans doute ; et lorsqu’on lit de pareilles atrocités, le sang s’allume ; la prudence, la modération, que l’immortel d’Aguesseau met au rang des devoirs essentiels de l’orateur, le respect dû à la majesté de votre audience, peuvent à peine contenir les élans de l’indignation.
D’après cela, celui que je défends n’a-t-il pas droit aux réparations qu’il demande ? Elever une question à ce sujet, ce serait, Messieurs, mettre en problème votre justice et vos lumières.
« La calomnie, » dit M e Dareau, dans son Traité des injures, « est un poison si dangereux pour la société, qu’on ne doit jamais en être déclaré coupable impunément. Tout ce que le crime a de plus bas se trouve dans la calomnie. »
Un auteur célèbre par ses talents et les malheurs sais nombre qu’il a essuyés, dit : « que la diffamation est au moral ce que l’empoisonnement, est au physique. C’est, poursuit-il, un genre d’attaque contre lequel il est comme impossible de se défendre. Il est mille fois plus facile d’accréditer un propos qui tue l’honneur d’un citoyen que de faire passer dans son corps une composition mortelle. La peine devrait donc être proportionnée à la difficulté de s’en garantir. On ne connaît point d’antidote contre la calomnie, au lieu qu’on n’est point sans ressource contre le poison. »
Plus loin, le même auteur s’exprime en ces termes : « Tout ce qui n’est point contredit passe pour incontestable. Bientôt l’imposture la plus révoltante acquiert, sans autre examen, la force de la vérité… Bientôt s’élève un cri universel qui prononce la condamnation de l’infortuné ; on se trouve enfin au point que la vertu elle-même se croit obligée d’y souscrire. »
Il résulte de ce que nous venons de dire, Messieurs, que les tribunaux ne peuvent jamais trop sévir contre les calomniateurs et les diffamateurs. De toutes les espèces d’injures qu’on peut faire à un citoyen, la calomnie est certainement la plus condamnable puisqu’elle part d’une âme basse et corrompue. Et s’il est arrivé si souvent que les calomnies verbales ont été punies des peines les plus sévères, si ces peines ont tant de fois noté d’infamie les calomniateurs, à plus forte raison les calomnies écrites, imprimées et répandues au loin, doivent-elles attirer sur la tête de leurs auteurs tous les anathèmes de la justice.
Ici l’orateur continue de passer en revue toutes les autorités qui se réunissent pour appeler de justes punitions sur l’injure et la diffamation. Il remonte jusqu’à l’art. 13 de la Déclaration du 17 janvier 1561, l’art. 77 de l’Ordonnance de Moulins, l’article de la Déclaration
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