Métronome
l’état durant des années. Le plâtre s’effrite peu à peu, mais un vieux gardien continue d’habiter dans une des pattes de l’animal. Dans Les Misérables , Victor Hugo en fera le refuge de Gavroche, le gamin des barricades parisiennes.
La carcasse est heureusement détruite en 1846. Des ruines du pachyderme s’échappent des nuées de rats qui terrorisent le faubourg Saint-Antoine durant plusieurs semaines.
En 1833, le roi Louis Philippe décrète qu’une colonne sera érigée au centre de la place en l’honneur des héros tombés lors des Trois Glorieuses, les journées des 27, 28 et 29 juillet 1830, au cours desquelles le roi Charles X a été chassé du trône au profit d’une monarchie constitutionnelle. Le monument de cinquante-quatre mètres de haut est inauguré le 28 avril 1840. Au sommet de la colonne verte, un Génie doré répond au vœu qu’avaient formé les députés de 1792 : il représente « la Liberté qui s’envole en brisant des fers et en semant la lumière ».
À coups de canons tirés du haut de Montmartre, la Commune de 1871 tente de détruire cette colonne qui, pour ces Républicains extrêmes, reste un symbole d’alliance entre un souverain et son peuple. La colonne reste debout et la République aussi.
Que trouve-t-on sous la colonne ?
L’Histoire prend parfois des détours étranges. Aux cinq cent quatre martyrs de la Révolution de 1830 enterrés sous la colonne se mêlent quelques momies égyptiennes, plus vieilles de deux ou trois milliers d’années !
Elles avaient été rapportées par Bonaparte lors de la campagne d’Égypte et avaient été enfouies dans un jardin proche de la Bibliothèque nationale, rue de Richelieu, à l’endroit même où, après les journées de juillet, les cadavres des révolutionnaires furent ensevelis. Lorsqu’on voulut enterrer les héros de la Révolution sous la colonne, personne ne songea à faire le tri, on emporta tous les corps, sans trop y regarder. Et c’est ainsi que, peut-être, quelque pharaon demeure aujourd’hui sous la place de la Bastille, près du canal Saint-Martin, qui passe sous la place. La barque d’Osiris, le dieu des morts égyptiens, a-t-elle emprunté cette voie qui relie la Seine à l’Ourcq pour emmener princes et ouvriers dans le royaume des morts ?
XIX e siècle
RÉPUBLIQUE
En cinq actes et en coups de théâtre
On sort du métro République pour arriver au pied de la lourde figure de Madame la République. Son bonnet phrygien sur la tête, l’olivier à la main, la Déclaration des droits de l’homme à son côté, elle observe de son regard de bronze les manifestations populaires dont elle est devenue le fier emblème depuis plus d’un siècle…
Fichée de drapeaux noirs et rouges ou surmontée de bannières revendicatives, elle soutient toujours ses enfants en lutte. À ses pieds, sur le piédestal de pierre, se tiennent les trois vertus, devise de la République : la Liberté symbolisée par un flambeau, l’Égalité matérialisée par le drapeau tricolore, la Fraternité représentée par une corne d’abondance.
Ce monument, devenu indispensable au paysage politique parisien, fut implanté ici le 14 juillet 1884, et cette forme laïque de la divinité affirma l’apothéose de la toute jeune III e République. La République apparaît ici victorieuse, mais elle tremble sans doute encore un peu à l’idée des risques qu’elle a encourus… Le souvenir de la Commune est proche, et l’on peut en effleurer la mémoire au 14, rue de la Corderie : c’est à cette adresse que l’Association internationale des travailleurs ordonna l’insurrection de Paris le 16 février 1871.
Dans le passé, la place de la République s’appelait place du Château-d’Eau, c’était un grand carrefour situé au débouché du boulevard du Temple. Après la Révolution, les deux grandes foires de Paris, la foire Saint-Laurent sur la rive droite et la foire Saint-Germain sur la rive gauche, périclitèrent. C’est alors que le boulevard du Temple devint le lieu inévitable des fêtes et des spectacles. D’autant que la création d’un théâtre n’était désormais plus soumise à l’autorisation des pouvoirs… Les salles ont donc explosé dans le grand arc de cercle du boulevard, centre des divertissements qui réunissait toutes les populations, mêlant l’ouest aristocratique à l’est ouvrier.
L’épicentre des boul' (ainsi appelait-on les boulevards) se trouvait dans un
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