Métronome
intellectuelle qui, si longtemps, souffla ici.
Le pape Étienne songe maintenant au sacre de Pépin, mais il a un doute : la reine Berthe a prévenu Sa Sainteté de l’état de péché dans lequel vit le roi de France. Berthe, l’épouse légitime, est condamnée à la solitude des palais tandis que son mari le roi court le guilledou et passe ses nuits dans le lit d’une belle Saxonne. Quelle horreur ! Cet adultère ne saurait se poursuivre face au Ciel qui nous regarde ! Aussitôt, le pape convoque le roi à Saint-Denis.
— Nous ne pourrons procéder au sacre d’un roi qui vit dans le péché ! Car non seulement il n’est pas ainsi en état de grâce, mais il est pour son entourage un objet permanent de scandale et souille le trône des Francs sur lequel la chrétienté tient les yeux fixés.
Que de chicanes pour une billevesée, songe Pépin. On donne immédiatement satisfaction au pape : on enferme la belle Saxonne dans une abbaye du diocèse de Langres, en la priant fermement de ne jamais en sortir afin de faire pénitence tout le reste de sa vie.
En cette fin juillet 754, plus rien ne s’oppose au sacre du roi des Francs par le vicaire du Christ. On prépare la cérémonie quand soudain, deux jours avant la date fixée, le pape Étienne se trouve au plus mal, il se meurt… Le souverain pontife n’a plus qu’un seul souhait : qu’on le transporte au plus vite en l’église Saint-Denis, près de la tombe du bienheureux martyr… Et tandis que Sa Sainteté gît en accueillant la mort, lui apparaissent dans son sommeil comateux les apôtres Pierre et Paul accompagnés de saint Denis en personne.
— Voici que notre frère demande la santé, dit Pierre.
— Il va la recevoir dans l’instant, répond Paul.
Alors Denis, tenant en ses mains une palme et un encensoir, s’adresse au pape mourant :
— Paix à toi, frère. Lève-toi. Tu es guéri.
Et le malade, effectivement, ne ressent plus aucun des troubles qui le terrassaient. En reconnaissance, les bienfaits concédés par le pape fondent sur l’abbaye : exemption de la juridiction épiscopale, établissements concédés au monastère, faveurs attribuées à l’abbé Fulrad.
Miracles et bontés s’étant justement succédé, Étienne II peut enfin procéder, le 28 juillet à Saint-Denis, au sacre solennel de Pépin le Bref. Il n’est pas question de saint chrême et d’huile à oindre, Étienne n’est guère du genre à s’étendre dans le grandiose et le superlatif, il est plutôt du style sobre et concis. Il fait donc ce que l’on attend de lui : au nom de la Sainte Trinité, il sacre Pépin et ses deux fils, Charles et Carloman. Ensuite, la reine Berthe est revêtue des insignes royaux et bénie par le Saint-Père au nom des sept vertus de l’Esprit-Saint.
Enfin, le pape se tourne vers les princes et les nobles, les bénit avant de s’adresser à eux :
— Nous vous ordonnons, sous peine d’excommunication, de ne jamais choisir d’autres rois que ceux de la race de Pépin, de maintenir le sceptre dans cette famille que la miséricorde divine a daigné distinguer, et que les saints apôtres ont confirmée et consacrée par les mains du pontife, leur vicaire…
Pépin peut être comblé : Étienne a fait le maximum pour la grandeur du règne franc et de Saint-Denis. Dans les trois années à venir, jusqu’en 758, le roi paie majestueusement sa dette : il lance trois campagnes militaires victorieuses contre les Lombards et offre au pape les territoires conquis, c’est-à-dire vingt-deux villes, dont Ravenne et Pérouse. Et de ces provinces conquises vont émerger une notion nouvelle, celle des États pontificaux dont la force, la richesse et l'étendue préserveront le pape d’agressions inconsidérées.
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En 768, Pépin est un homme usé de cinquante-quatre ans. Au cours d’une visite dans le Poitou, il est brusquement victime d’une forte fièvre. Il va mourir et il le sait. Mais soit que périr à Poitiers ne lui semble pas un sort enviable, soit qu’il considère cette ville indigne de recevoir son dernier soupir, il veut la quitter précipitamment. Il se fait transporter à l’abbaye Saint-Martin de Tours, où il puise allègrement dans le trésor royal pour accomplir le pieux devoir de la charité. Cela fait, il demande qu’on le conduise promptement à Saint-Denis.
Sous les voûtes de l’abbaye, devant les Grands du royaume, il partage ses États entre ses deux fils et s’éteint le 24
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