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Meurtres dans le sanctuaire

Meurtres dans le sanctuaire

Titel: Meurtres dans le sanctuaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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la mort de sa mère. Il se cala sur son siège, les mains refermées sur son gobelet de cuir rempli de bière, puis, les yeux mi-clos, il écouta le martèlement des sabots, le fracas des charrettes sur les pavés, les vociférations des palefreniers et les cris des clients demandant qu’on les serve. L’air tiède sentait fort le crottin de cheval auquel se mêlaient des effluves plus alléchants venus de la grande cuisine de l’hôtellerie. Un vieillard boiteux gagna la porte, sautillant comme une grenouille. Une religieuse, élégante avec sa guimpe lacée de ruban rose, souleva sa jupe et ses épais jupons blancs, tout en plissant son petit nez à cause des odeurs de l’auberge. Elle parlait avec l’accent français à une soeur qui trottinait à ses côtés. Thopas, qui la détaillait, nota l’air arrogant, les beaux vêtements et les manières courtoises et raffinées. La règle du Christ et le voeu de pauvreté n’étaient guère apparents chez cette nonne. Ferait-elle la prochaine victime ? Pourquoi pas ? C’est alors qu’une voix forte retentit, braillant :
    — Ecartez-vous ! Ecartez-vous ! Laissez passer John-atte-Southgate, seigneur grand huissier à la cour de l’archidiacre de l’évêque de Londres !
    Sur son banc, Thopas se poussa pour mieux observer l’huissier. Un vrai fils de Satan ! Il avait le cheveu noir en bataille, la panse rebondie, le menton proéminent et pas rasé, de grosses joues rubicondes et les petits yeux furtifs d’une truie en colère. Thopas abaissa son regard sur les belles bottes de cuir espagnol que portait l’homme, remonta jusqu’à la coûteuse ceinture qui entourait son gros ventre, sous le long manteau doublé de fourrure d’écureuil. Puis ses yeux se posèrent sur les lourdes fontes de selle, remplies d’assignations et d’appels à comparution. Un vautour à forme humaine, songea Thopas, un laquais de l’Église chargé de convoquer les gens devant la cour de l’archidiacre après avoir déterré leurs péchés : ainsi celui qui ne payait pas sa dîme, le prêtre qui avait une bonne amie, le curé absent de son logis... Les hommes comme Southgate étaient payés par l’Église pour délivrer des assignations, mais ils se laissaient acheter par ceux qui en avaient les moyens.
    John-atte-Southgate, la nouvelle proie de Thopas, jeta les rênes de sa monture à un palefrenier, puis, balançant ses fontes de selle sur son bras, entra dans l’ Auberge Fastolf en homme pleinement conscient de sa puissance. Il vit l’élégante nonne se détourner avec modestie, et le prêtre ignorant venu de Somerset reculer précipitamment au fond de la salle obscure, telle une souris affolée. Southgate sourit. L’année avait été bonne, et c’est à juste titre qu’il venait en remercier le sanctuaire. Et puis, qui sait, il trouverait peut-être à faire, parmi les nombreux pèlerins. Un représentant du clergé venu ici avec une belle amie ? Ou même cette nonne ? Était-elle en droit de quitter son couvent ? Avec un sourire mauvais, Southgate rugit qu’on lui apporte du vin, et le meilleur de la maison, inconscient que quelqu’un avait réclamé son âme.
    À son retour à Ottemelle Lane, Kathryn trouva Thomasina occupée à éplucher les comptes de la maisonnée. Elle avait les joues un peu rouges et refusait de regarder sa maîtresse si bien que celle-ci se demanda si elle boudait encore à cause de Colum. Agnes apporta une cruche de bière coupée d’eau ainsi que des tranches de pain blanc disposées sur une planche. Kathryn prit place au bout de la table pour grignoter son pain tandis que Thomasina, toujours penchée sur ses comptes, grommelait et marmonnait pour elle-même.
    — Qu’y a-t-il, Thomasina ?
    La servante leva ses yeux bruns tout brillants d’excitation.
    — Rien, rien.
    — Allons, Thomasina, je te connais trop !
    Posant sa plume d’oie, la servante fusilla des yeux
    Agnes qui, depuis le fond de la cuisine, lui lançait de furtifs regards.
    — Tout va bien, reprit Thomasina, nous avons même fait un peu de profit. Nous en ferons davantage quand le sieur Luberon nous enverra copie du contrat et le premier versement de votre salaire. Et, moi aussi, je vous connais depuis longtemps, Maîtresse. Je vous connaissais déjà avant que votre mère ne meure, ajouta-t-elle pour détourner la conversation.
    — Comment était ma mère, Thomasina ?
    La servante soupira. Kathryn lui posait souvent la question, et elle y

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